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Enquête« Suisse Secrets » | La banque a joué un rôle dans le mélange de népotisme et de prédation à l’œuvre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, qui a participé à déclencher la vague de révoltes de l’année 2011.
Pour Gamal et Alaa Moubarak, la décennie précédant les « printemps arabes » fut florissante. En tant que fils du président égyptien de l’époque, Hosni Moubarak, les deux hommes d’affaires étaient idéalement placés pour tirer profit de la libéralisation en cours de l’économie nationale. A mesure que les entreprises publiques se privatisaient et que l’Etat bradait son patrimoine foncier, les quadragénaires amassaient une fortune en actions, villas haut de gamme et voitures de luxe. L’avenir leur souriait, puisque le cadet, Gamal, était censé succéder à son père à la tête de l’Etat.
Cette ascension fut brutalement interrompue par la démission d’Hosni Moubarak, le 11 février 2011, sous la pression de centaines de milliers de manifestants appelant à la chute du régime, notoirement autocratique et corrompu. La Suisse, paradis fiscal où le raïs égyptien et son entourage avaient l’habitude de dissimuler leurs avoirs, réagit rapidement. Des centaines de millions de dollars déposés dans les banques helvétiques furent gelés. Alors que la fièvre révolutionnaire gagnait tout le Moyen-Orient et que les peuples arabes, spoliés par leurs dirigeants, réclamaient justice, d’autres comptes, au nom de VIP syriens, tunisiens, libyens ou yéménites, furent aussi suspendus.
L’enquête « Suisse Secrets », basée sur la fuite de données bancaires de Credit Suisse, l’une des principales banques helvétiques, permet d’en savoir plus sur cet épisode méconnu des « printemps arabes ». Les frères Moubarak, par exemple, ont disposé d’au moins six comptes dans l’établissement financier, le plus garni ayant culminé à 277 millions de francs suisses (180 millions d’euros).
Beaucoup d’autres membres de la nomenklatura politico-financière arabe apparaissent dans les données auxquelles les partenaires de l’opération « Suisse Secrets » ont eu accès, qu’il s’agisse d’hommes d’Etat, de responsables de services de sécurité ou d’entrepreneurs : des personnalités parfois citées dans des enquêtes pour corruption ou impliquées dans des violations des droits de l’homme. Le montant des dépôts chez Credit Suisse fut souvent sans rapport avec leurs revenus officiels.
« Capitalisme de copains »
Mises bout à bout, ces révélations mettent en lumière le rôle qu’a joué cette banque dans le « capitalisme de copains » qui sévit dans le monde arabe, ce mélange toxique de népotisme et de prédation. Un fléau qui fut l’un des facteurs déclencheurs de la vague de révoltes de l’année 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
La galerie de kleptocrates arabes qui ont fait de Credit Suisse leur coffre-fort comprend Abdel Halim Khaddam, un ancien vice-président syrien, décédé en 2020. Dans les années 1980 et 1990, époque où le Liban ployait sous la botte de Damas, ce serviteur zélé du président Hafez Al-Assad y officiait comme proconsul, un poste prodigue en dessous-de-table.
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