Publié le : 29/01/2021 – 10:58
À l’appel du collectif Auteurs et autrices en action (AAA), plusieurs centaines de scénaristes et de dessinateurs de bande dessinée réclament une plus grande part du chiffre d’affaires d’un secteur à la santé florissante. Ils appellent à boycotter l’annonce du palmarès du 48e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui se déroule ce vendredi 29 janvier.
Les auteurs et scénaristes comptent bien profiter de l’annonce du palmarès, qui doit être rendu vendredi 29 janvier, pour se faire entendre. Le collectif Auteurs et autrices en action (AAA) réclame une plus grande part du chiffre d’affaires de la BD et appelle à boycotter la cérémonie du 48e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui doit se dérouler à huis clos. Il envisage également de poursuivre son action lors de la deuxième partie de ce festival, lorsque les amateurs de BD se rendront à Angoulême fin juin si la situation sanitaire le permet.
Pour Cyril Pedrosa, qui coécrit et codessine avec Loïc Sécheresse « Carnets de manifs » aux éditions du Seuil, « il faut établir une véritable mise à plat de toute la chaîne du livre pour que les auteurs ne soient plus systématiquement fragilisés et qu’ils ne subissent pas à leur dépens un système qui fonctionne par ailleurs plutôt bien, explique-t-il sur France 24. Car on constate depuis dix ans que la situation de l’auteur se dégrade de plus en plus. »
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« Fermer le Festival est-il la solution ? »
Quelque 700 auteurs, dont certains sont dans la sélection officielle en vue des récompenses décernées vendredi, à l’instar de Zanzim (« Peau d’homme ») ou Maurane Mazars (« Tanz »), ont donc signé une tribune pour dresser la liste de leurs doléances. Le collectif est prêt à un « boycott total du versant public du Festival d’Angoulême, en juin prochain, si aucun acte réel et concret n’est posé d’ici là, à l’endroit de notre statut professionnel, de notre représentation et d’un juste rééquilibrage de la chaîne du livre ».
Dans une lettre ouverte, la direction a regretté ce boycott car le Festival a été contraint « d’investir, d’engager (…) des budgets qu’il n’a pas, en un mot de s’endetter » faute de recettes pour assurer une exposition aux auteurs de bande dessinée. Si ces derniers n’ont pas pu être rémunérés, « faut-il pour autant tourner le dos à cet espace de débat et d’interpellation qu’est le Festival d’Angoulême ? Cette manifestation n’est-elle pas, objectivement, un lieu d’expression démocratique ? Le fermer est-il la solution ? », a écrit le délégué général, Franck Bondoux.
Il y a un an, alors en visite au 47e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD), Emmanuel Macron avait pour sa part promis de ne pas laisser tomber les auteurs de bande dessinée. « Nous tenons à protéger davantage les auteurs. (…) Le rôle de l’État est de leur donner plus de quiétude. Nous aurons des initiatives fortes en la matière les prochains mois », avait assuré le chef de l’État au théâtre d’Angoulême.
Les plus précaires frappés par la crise
Mais depuis, il semble que rien n’a été fait ou trop peu, estiment les auteurs. Un rapport sur « L’auteur et l’acte de création », rédigé par Bruno Racine, ancien président du Centre Pompidou et de la Bibliothèque nationale de France, publié lors du Festival d’Angoulême 2020, avait pourtant suscité beaucoup d’espoir. Le document recensait une série de 23 mesures pour améliorer les conditions de vie des auteurs. L’une d’entre elle, le transfert de la protection sociale des auteurs de l’organisme Agessa à l’Urssaf du Limousin a bien été appliquée. Mais les autres sont restées à l’état de propositions.
Pourtant, un rapport datant de 2017 et établi par les États généraux de la bande dessinée révèle que la grande majorité des scénaristes et dessinateurs vivent dans la précarité. La moitié d’entre eux gagne moins que le smic, et un tiers vit sous le seuil de pauvreté.
Et la crise sanitaire n’a rien arrangé à leurs affaires. La fermeture des librairies a ralenti les ventes, les salons et rencontres avec les lecteurs ont été reportés et les sorties d’album ont été repoussées par les éditeurs, fragilisant un peu plus leur situation.
Croissance de 9 %
Paradoxalement, le secteur de la BD se porte bien. Malgré des semaines de fermeture des librairies, 53,1 millions d’exemplaires ont été vendus en France dans l’année, soit une croissance de 9 %. Un livre sur six acheté aujourd’hui est une bande dessinée. Les grands gagnants de cet engouement ont été les vedettes comme Lucky Luke, meilleure vente de l’année avec « Un cow-boy dans le coton » (près de 272 000 exemplaires en un peu plus de deux mois), ou Riad Sattouf, avec son cinquième tome de « L’Arabe du futur ». Ils ne sont pas dans la sélection officielle d’Angoulême cette année, le Festival cherchant à promouvoir les talents qui mériteraient d’être mieux connus.
Le genre souffre non pas de l’érosion des ventes, sensible dans d’autres secteurs du livre, mais de la rémunération très faible pour les auteurs, exception faite des auteurs les plus connus. Et cet écart se creuse. D’après l’institut GfK, la bande dessinée a vu « un recentrage important des ventes autour des best-sellers en 2020. Leur poids a été renforcé tout au long de l’année. »
C’est donc dans un climat de lassitude et de colère que le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême va se tenir. Sur les 12 prix distribués, appelés Fauves d’Angoulême, le plus convoité est le Fauve d’or, prix du « meilleur album de l’année, sans discernement de genre, de style ou d’origine géographique ». L’événement sera retransmis sur le site Internet de France Inter, partenaire de la manifestation.
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