L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a entamé, vendredi à Wuhan, une mission de terrain pour établir les origines du Covid-19. Focus sur le fonctionnement de cette agence onusienne qui joue un rôle crucial dans la lutte contre la pandémie actuelle.
Le 31 décembre 2019, les autorités chinoises contactent le bureau de l’OMS en Chine : un cas de pneumonie de cause inconnue a été détecté dans la ville de Wuhan, dans la province centrale du Hubei. Treize mois plus tard, le virus a déclenché une pandémie mondiale causant la mort de plus de 2 000 000 de personnes. Alors que les gouvernements tentent, tant bien que mal, d’endiguer la propagation du virus avec des mesures restrictives, l’OMS débute, en Chine, une enquête de terrain sur l’apparition du Covid-19, dont l’origine reste à ce jour inconnue. Une occasion de revenir sur le rôle de l’agence onusienne et sa gestion d’une année de crise sanitaire inédite.
L’OMS, c’est quoi ?
Créée en 1945, l’Organisation mondiale de la santé est une agence de l’ONU dont le but est de promouvoir la santé publique et l’accès aux soins. L’organisation emploie 7 000 personnes à travers six antennes régionales et 150 bureaux de pays : des médecins, scientifiques, épidémiologistes, statisticiens mais aussi des experts en économie, en finance ou bien encore en secours d’urgence.
L’agence compte 192 pays membres à travers le monde, dont les représentants siègent à l’Assemblée mondiale de la santé, et qui financent son activité à travers des cotisations fixes. À cela s’ajoutent les cotisations volontaires, versées par les pays qui le souhaitent ainsi que des groupes privés. Pour la période 2020-2021, le budget de l’organisation s’élève à 5,8 millions de dollars avec, parmi ses principaux contributeurs, les États-Unis, la Chine, l’Union européenne ou bien encore la Fondation Bill et Melinda Gates.
Depuis le 1er juillet 2017, l’OMS est dirigée par Tedros Adhanom Ghebreyesus, biologiste éthiopien et ancien ministre de la Santé, devenu le premier directeur général africain de l’institution.
Rôle dans la crise sanitaire
Informée dès l’apparition du premier cas officiel, l’OMS a depuis joué un rôle primordial à tous les niveaux de la crise sanitaire. Outre le fait d’enquêter sur les caractéristiques du virus, sa contagiosité ainsi que sa dangerosité, l’agence onusienne émet des recommandations aux États, basées sur des avis scientifiques de chercheurs internationaux qu’elle consulte et valide. Si ses recommandations sont avant tout d’ordre sanitaire (mesures de distanciation, port du masque, vaccins, traitements), elle prend également position sur des mesures à portée économique : fermeture des frontières, confinement, etc.
Le 30 janvier 2020, alors que l’on recense 98 cas de Covid-19 dans le monde et encore aucun décès, l’OMS déclare l’urgence de santé publique de portée internationale pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. “Certains ont considéré que cette décision a été un peu tardive, mais avec du recul on voit qu’elle était non seulement appropriée, mais qu’elle a permis d’accélérer considérablement les processus”, estime Marc Gastellu-Etchegorry, épidémiologiste chez Médecins sans Frontières et ancien expert technique au siège de l’OMS à Genève, contacté par France 24. “Si les laboratoires ont pu mettre au point des vaccins en un temps record, c’est notamment parce que l’OMS a alerté et pris la mesure de la gravité de la crise. Sa parole a une influence énorme car elle est gage de crédibilité pour les États”.
À l’époque, cette décision est motivée par “l’éventualité que le virus se propage à d’autres pays dont le système de santé est plus fragile” et notamment en Afrique. Mais contrairement aux prévisions, le continent sera relativement épargné et c’est l’Europe qui deviendra l’épicentre de l’épidémie. “Les craintes de l’OMS étaient parfaitement légitimes et la vigilance sur le continent africain est toujours de mise”, juge néanmoins Marc Gastellu-Etchegorry. “Certains pays comme l’Afrique du Sud, le Maroc ou l’Égypte sont durement touchés. D’autres comme l’Ouganda ont pris des mesures barrières extrêmement efficaces, et là encore, l’OMS a joué son rôle”.
Un manque d’indépendance vis-à-vis de la Chine ?
Débordé par la pandémie qu’il avait jusque-là préféré minimiser, l’ex-président américain Donald Trump annonçait, le 29 mai, mettre fin à la relation entre son pays et l’Organisation mondiale de la santé, jugeant qu’elle agissait à la solde de la Chine. Une emprise d’autant plus scandaleuse que Pékin “ne paie que 40 millions de dollars par an”, par rapport aux “450 millions de dollars” de financement américain, s’indignait alors le président.
“La décision de quitter l’OMS était absurde et les accusations de Donald Trump très caricaturales. Pour autant, il est vrai que l’institution a parfois du mal à prendre des positions qui vont à l’encontre des États”, pointe Marc Gastellu-Etchegorry. “Il faut bien comprendre que les instances de gouvernance sont les pays. Or, ces derniers ont parfois des intérêts contradictoires et tentent de manipuler l’OMS. C’est pourquoi son indépendance est cruciale. La santé publique doit être sa seule boussole. Mais si l’OMS fournit un gros travail de communication autour de ses décisions, le processus décisionnaire reste quant à lui trop compliqué et opaque”, juge-t-il.
Alors que les experts entament leur mission à Wuhan sur l’origine du Covid-19, le gouvernement chinois a tenu à préciser, vendredi 29 janvier, que cette visite s’inscrit dans le cadre de la coopération scientifique et ne constitue en rien “une enquête”. “Bien sûr, les experts marchent sur des œufs en Chine, aucun pays ne souhaite être mis en cause dans une pandémie internationale, et surtout pas la Chine, qui a de gros progrès à faire en termes de transparence”, ironise Marc Gastellu-Etchegorry. “Mais remonter l’origine du virus de la manière la plus précise possible peut permettre de traiter le problème à la racine. C’est un aspect crucial, au même titre que l’accès au vaccin et la recherche sur les traitements. Or, sur ces domaines, l’OMS a encore beaucoup de travail”, conclut-il.
Peu d’informations ont filtré quant au programme de la mission des experts en Chine qui doit durer plusieurs semaines. Depuis Genève, Michael Ryan, le directeur des opérations d’urgence de l’OMS, a tenu à souligner vendredi la difficulté de l’opération, estimant que plusieurs visites pourraient être nécessaires pour déterminer les origines de la pandémie.
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