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Les téléphones n’arrêtent pas de sonner dans les locaux du SAMU national de l’hôpital Fann de Dakar. Microcasques vissés sur la tête, deux médecins et leurs assistants recueillent les témoignages de malades du Covid-19 afin de décider si leur cas nécessite une intervention. « Nous partons sur une évaluation Covid-19 en urgence, une dame de 88 ans qui est en détresse respiratoire », lance le docteur Ibrahima Diaby, médecin urgentiste qui se précipite au rez-de-chaussée où l’attend une « ambulance Covid » équipée d’un respirateur.
Chaque jour, il sort cinq à sept fois avec son équipe. « On commence à 8 heures du matin, mais on ne sait jamais quand on termine, c’est épuisant », lance-t-il entre deux escaliers, se plaignant de courbatures et de douleurs aux épaules.
Au SAMU national, le volume de travail a été multiplié par deux voire trois depuis décembre – début de la deuxième vague du coronavirus –, selon son directeur, le professeur Mamadou Diarra Bèye. Une nouvelle vague plus sévère que la première. Ces deux derniers mois, 249 personnes sont mortes du Covid-19 sur les 582 décès recensés depuis le début de la pandémie.
Autour de 250 à 300 cas quotidiens sont déclarés ces derniers jours, contre une dizaine au mois de novembre. L’accélération de l’épidémie a poussé les autorités à réinstaurer un couvre-feu de 21 heures à 5 heures dans les régions de Dakar et de Thiès et à rendre le port du masque obligatoire. Les centres de traitement épidémiologiques (CTE) qui prennent en charge les cas de Covid-19 ont rouvert, mais le personnel de santé commence à fatiguer.
Quelque 150 000 alertes de malades
« Depuis neuf mois, le système de santé au Sénégal est mis à rude épreuve et le personnel soignant est épuisé, physiquement et psychologiquement », a alerté l’Association sénégalaise des médecins urgentistes (ASMU) dans un communiqué. Face à la recrudescence de cas sévères, sa présidente, Corinne Tchania, s’inquiète : « Nous n’avons pas les capacités de prendre en charge un grand nombre de cas graves. Donc nous demandons aux Sénégalais de respecter les mesures barrières et de consulter rapidement pour éviter de développer une forme grave et de surcharger les services », plaide la médecin urgentiste. Le pays compte seulement quelque 120 respirateurs pour 16 millions d’habitants.
Des cas graves, le SAMU national en prend en charge tous les jours. Depuis le début de la pandémie, son numéro d’urgence a reçu 150 000 alertes de malades du Covid-19, ce qui représente environ 70 % des appels. Les équipes du Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) se déplacent régulièrement sur le terrain pour évaluer l’état du patient, déterminer la prise en charge appropriée, puis transférer les malades vers les CTE ou vers un service de réanimation si nécessaire.
« Nous n’avons pas toujours de la place pour nos patients », constate Alpha Sabaly, le médecin régulateur, en montrant son écran d’ordinateur strié de lignes rouges indiquant les patients gravement malades qui attendent d’être pris en charge. « Nous sommes essoufflés par la charge de travail, mais nous sommes mieux organisés que lors de la première vague qui nous avait surpris », continue-t-il.
Ce jour de janvier, toutes les ambulances sont déjà sorties. Pour soutenir les équipes, « quatre jeunes médecins viennent de nous rejoindre et nous attendons cinq ou six infirmières supplémentaires », indique le professeur Bèye. Un renfort nécessaire pour mener à bien les interventions sur les cas les plus sérieux qui nécessitent davantage de soins. « Les prises en charge sont longues et complexes et nécessitent oxygène et respirateurs », confirme Kéba Camara, médecin du SMUR.
Premier objectif vaccinal : 20 % de la population
Le SAMU travaille alors en étroite collaboration avec SOS Médecin, une structure privée qui offre gratuitement ses services aux patients positifs au Covid-19. « Nous faisons la première consultation d’évaluation du risque et du test à domicile. Et si le cas n’est pas trop grave, le suivi se fait à distance par téléphone ou par téléconsultation », explique Massamba Diop, le président de SOS Médecin, qui note lui aussi une augmentation des cas graves. « Lors de la première vague, les gens consultaient après un jour et demi de symptômes. Maintenant, ils attendent six jours », s’inquiète-t-il.
Cette recrudescence s’explique peut-être aussi par la baisse des températures, surtout dans le nord du pays, et le relâchement de la population dans les gestes barrières alors que la pandémie a semblé être sous contrôle pendant de longs mois. A quoi il faut désormais ajouter le variant britannique dont la présence a été détectée dans des échantillons analysés au Sénégal, comme l’a confirmé, le 28 janvier, le président de l’Institut de recherche en santé de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), Souleymane Mboup.
« Du fait que ces variants se transmettent plus rapidement, ce qui pourrait expliquer la vitesse de propagation de la maladie dans certains pays, il est impératif d’appliquer scrupuleusement les mesures de prévention individuelle et collective », s’est-il inquiété.
Le Sénégal espère qu’à terme la situation s’améliore grâce à la vaccination, même si celle-ci n’a pas encore débuté. Le pays fait partie du dispositif international Covax – une initiative coordonnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour assurer une répartition équitable des vaccins – et a aussi prévu une stratégie nationale parallèle pour en acquérir de son côté.
Des pourparlers sont notamment en cours avec un laboratoire chinois qui « pourrait faire partie des potentiels fournisseurs », confirme Ousseynou Badiane, coordonnateur de la vaccination dans le pays : « Nous sommes encore en train d’étudier les meilleures options, selon le budget et les besoins en logistique pour la conservation du vaccin que nous choisirons. »
Dans un premier temps, l’objectif est de vacciner 20 % de la population en ciblant les personnes vulnérables – celles âgées de plus de 60 ans ou sujettes à des comorbidités. Les opérations de vaccination pourraient commencer en mars, espèrent les autorités sanitaires qui ne sont pas encore en possession de doses. Lors du conseil des ministres du 20 janvier, le président Macky Sall a demandé au gouvernement de démarrer rapidement « la préparation technique », mais également « la sensibilisation » de la population. Une nécessité pour anticiper et contrer les infox.
Notre série « L’Afrique face à sa deuxième vague »
Relativement épargnée pendant la première phase de la pandémie de Covid-19, l’Afrique fait face à une accélération des cas qui engorge les systèmes de santé d’un certain nombre de pays du continent.
Le 21 janvier, John Nkengasong, le directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), a évoqué un « retournement » en cours alors que le taux de mortalité en Afrique, qui représente officiellement 2,5 % des cas recensés dans le monde, dépasse désormais la moyenne mondiale qui est 2,2 %.
Du Sénégal au Ghana, de la Tunisie au Zimbabwe, Le Monde Afrique fait le point sur la situation sanitaire dans une série de pays du continent pour mieux saisir les caractéristiques de cette seconde vague que John Nkengasong appelle à « combattre âprement ».
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