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L’UE enfin armée pour défendre l’Etat de droit face à la Hongrie et la Pologne

Editorial du « Monde ». Dans la saga des défis posés à l’Union européenne (UE) par deux de ses Etats membres, la Pologne et la Hongrie, sur le non-respect de l’Etat de droit, Bruxelles vient de marquer un point important. La décision de la Cour de justice de l’UE, rendue mercredi 16 février, valide on ne peut plus clairement le dispositif adopté en décembre 2020 par les dirigeants de l’Union afin de soumettre l’octroi de fonds européens au respect des règles de droit par les bénéficiaires.

En rejetant le recours de Varsovie et de Budapest, qui estimaient ce dispositif illégal, la Cour de justice a donné un feu vert décisif à la Commission pour faire usage du mécanisme de conditionnalité à l’égard des gouvernements récalcitrants sur l’Etat de droit. C’est un instrument qui faisait cruellement défaut à la Commission dans la bataille qu’elle mène depuis plusieurs années avec les dirigeants nationalistes polonais et hongrois, parce qu’ils se sont affranchis de certaines règles garantissant, notamment, l’indépendance de la justice.

Ce mécanisme de conditionnalité doit permettre d’assurer que les fonds accordés par Bruxelles au titre de la cohésion de l’Union ne sont pas détournés une fois arrivés dans le pays destinataire, faute de mécanisme de contrôle indépendant. L’argent du contribuable européen est en jeu. Désormais, tant que Bruxelles n’aura pas l’assurance de la régularité des procédures utilisées pour l’usage de ces fonds, notamment en matière d’attribution des marchés publics, dans le pays concerné, ils ne seront pas débloqués.

Puisque le feu vert est donné, on pouvait imaginer que le dispositif serait appliqué sans tarder, et le mécanisme de conditionnalité déclenché pour les dizaines de milliards d’euros réservés à ces deux pays. Pas si vite ! Tout en se félicitant de la décision de la Cour de justice, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a estimé qu’il était urgent d’attendre. L’exécutif communautaire va « analyser soigneusement » la décision de la Cour et publiera, « dans les semaines qui viennent », des « lignes directrices » sur les conditions concrètes de la mise en œuvre du règlement qui a institué ce mécanisme. La France est sur la même ligne : pour Paris, « il faut maintenant que la Commission précise le fonctionnement du règlement ». Au Parlement européen, certains fulminent et accusent Mme von der Leyen de faire de la politique.

Pas le moment de faiblir

Ils n’ont sans doute pas tort. Ce délai de « quelques semaines » risque, selon toute vraisemblance, de permettre au premier ministre, Viktor Orban, de passer le cap des élections législatives hongroises, le 3 avril, sans avoir à affronter la Commission. Dans la bataille cruciale pour l’identité et l’avenir de l’Europe qui se livre sur le principe du respect de l’Etat de droit, Bruxelles ne veut pas prendre le risque d’être accusé d’interférence dans le processus électoral d’un Etat membre – quitte à rater une occasion d’influer, par le droit, sur la campagne.

Ursula von der Leyen a promis « d’agir avec détermination » une fois l’examen des conditions de mise en œuvre réalisé. Il faut espérer que la présidente de la Commission tiendra sa promesse. Ce n’est pas le moment de faiblir. Le mécanisme de conditionnalité a maintenant une existence juridique incontestable, il ne faut pas hésiter à s’en servir. Procrastiner inutilement, sous prétexte que tel ou tel facteur laisse espérer que l’on puisse éviter l’affrontement, serait faire injure à ce même Etat de droit que l’on est censé sauvegarder.

Le Monde

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