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Deux migrants morts noyés après avoir été jetés à la mer par des garde-côtes grecs

Selon une enquête menée par plusieurs médias européens, des garde-côtes grecs ont battu puis jeté à la mer trois migrants, sans canot ni gilet de sauvetage, en septembre dernier. Deux d’entre eux sont morts noyés suite à ce refoulement illégal. Un autre homme est porté disparu depuis fin janvier après avoir subi le même sort.

Ce sont des révélations qui font grand bruit. Un demandeur d’asile camerounais accuse des garde-côtes grecs de l’avoir jeté à la mer avec deux autres hommes qui sont morts noyés.

Les faits, qui remontent au 14 septembre, se sont déroulés au cours d’une opération de refoulement vers la Turquie au large de l’île de Samos, révèle une enquête menée pendant plusieurs mois par le média allemand der Spiegel, le site d’information français Mediapart, le journal britannique The Guardian et l’organisation de journalisme collaboratif Lighthouse Reports. Les journalistes ont obtenu des documents permettant de retracer ce « pushback » : données météorologiques, présence de bateaux à proximité du lieu de noyade, correspondance entre les différents récits, vérification de photos reçues, sons, localisations GPS…

Ce que nous avons aussi découvert, c’est que la pratique est commune. Deux gradés des gardes-côtes nous l’ont confirmé. Deux raisons à cela : 1) cela coûte moins cher de renvoyer les gens dans l’eau plutôt que de les placer dans un canot de sauvetage https://t.co/sgWLCisQTG

— Tomas Statius (@TomasStatius) February 17, 2022

Frappés « à coups de poing » et « jetés à la mer »

Ce jour-là, Ibrahim, le demandeur d’asile à l’origine de ces accusations, avait, avec 35 autres personnes, embarqué à bord d’un canot pneumatique pour rejoindre Samos à partir des côtes turques. Arrivés sur l’île, plusieurs membres du groupe ont subi des violences de la part de garde-côtes grecs et se sont vu confisquer leurs téléphones portables et leur argent, selon plusieurs témoignages recueillis par ces médias. Certains assurent même avoir subi des fouilles dans l’anus et dans le vagin.

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Les trois hommes ont quant à eux été contraints d’embarquer à bord d’un bateau présenté comme celui des garde-côtes de Samos. Mais une fois au large, les garde-côtes grecs les ont frappés « à coups de poing » avant de les « jeter à la mer », sans canot ni gilet de sauvetage, a raconté Ibrahim.

Mais aussi vérifier et recouper tout ce qui pouvait l’être. Données météorologiques, présence de bateaux à proximité du lieu de noyade, correspondance entre les différents récits, vérification de photos que nous avons reçues, sons, localisations GPS https://t.co/sgWLCisQTG pic.twitter.com/fdUsu9ProS

— Tomas Statius (@TomasStatius) February 17, 2022

Les corps des deux victimes, un Ivoirien du nom de Sidy Keita, 36 ans, et un Camerounais, Didier Martial Kouamou Nana, 33 ans, ont été retrouvés par des garde-côtes turcs et des navires de plaisance, les 18 et 20 septembre dernier.

Ibrahim, lui, a réussi à rejoindre à la nage les côtes turques en face de Samos. Il a depuis déposé une demande d’asile en Grèce.

« Pratique commune »

Au-delà de ce drame, les journalistes-enquêteurs affirment que jeter des migrants à la mer est désormais une « pratique commune » de la part des autorités grecques.

« Deux gradés des garde-côtes grecs nous l’ont confirmé », assure Thomas Statius, un journaliste de Mediapart. « Deux raisons à cela : cela coûte moins cher de renvoyer les gens dans l’eau plutôt que de les placer dans un canot de sauvetage [et] cela envoie un message de l’autre côté de la mer Égée en Turquie où des milliers d’exilés veulent toujours tenter la traversée. »

Interrogés par ces médias sur cette affaire, Athènes a une nouvelle fois nié toute pratique illégale.

Le ministre des Migrations et de l’Asile, Notis Mitrachi, a de son côté assuré que la Grèce « protégeait les frontières extérieures de l’Union européenne en conformité avec le droit international et la charte des droits fondamentaux ». Il a par ailleurs fustigé « la propagande turque sur l’immigration clandestine ».

« Les garde-côtes grecs continuent de sauver la vie de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en mer chaque année », s’est vanté le ministre, cité dans un communiqué.

D’autres migrants jetés à l’eau en janvier

Les faits font écho à d’autres accusations. Fin janvier, le ministre turc de l’Intérieur avait accusé des garde-côtes grecs d’avoir jeté à l’eau, en pleine nuit, trois migrants qui venaient d’entrer illégalement sur l’île de Chios. Deux d’entre eux avaient réussi à rejoindre la Turquie à la nage avant d’être pris en charge, mais le dernier était porté disparu.

« Il a dit qu’il ne savait pas nager, mais ils [les garde-côtes grecs, ndlr] ne l’ont pas écouté » Ses derniers mots ont été : ‘Je ne sais pas nager, je ne sais pas comment faire’ », avait expliqué un migrant présent lors de la scène.

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Plusieurs ONG accusent régulièrement la Grèce de refoulements illégaux à sa frontière, ce qu’Athènes dément systématiquement. Les récits d’exilés en mer Égée ont été maintes fois documentés par les médias dont InfoMigrants. Un Guinéen avait raconté fin 2020 à la rédaction comment des hommes en uniforme avaient percé le canot dans lequel il se trouvait pour l’empêcher d’atteindre les îles. Plus récemment, une Congolaise avait expliqué comment les garde-côtes grecs avaient refoulé son embarcation en mer, mettant les passagers en danger. « Ils nous ont menacé avec leur armes (…) Ils ont tourné autour de nous, ce qui a fait de grandes vagues et du courant », avait-elle rapporté.

L’ONG Aegean boat report, qui a recensé 629 cas de « pushback » en mer Égée en 2021, affirme que plusieurs témoignages font état de migrants jetés à l’eau par les autorités grecques, certains « menottés avec des bandes de plastique ».

En octobre dernier, InfoMigrants avait également pu rencontrer un ex-policier grec à la retraite qui déclarait avoir lui-même renvoyé illégalement, pendant des années, des milliers de migrants depuis la région de l’Evros vers la Turquie.

Cette nouvelle affaire, elle, a été portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme par des avocats turcs, précise Der Spiegel.

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