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« Derrière la crise ukrainienne se profile un autre foyer de tension : un possible redéploiement d’armes nucléaires en Biélorussie »

Cela fait près de trente ans, mais le compte rendu du sommet de Budapest, le 5 décembre 1994, que l’on peut lire dans Le Monde sous la plume de notre correspondant d’alors dans la capitale hongroise, Yves-Michel Riols, résonne formidablement avec l’actualité de 2022.

Le président Bill Clinton y prononce « un vibrant plaidoyer » en faveur de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est. « Aucune nation ne sera automatiquement écartée de l’OTAN, promet-il. Et nous ne permettrons pas à un pays extérieur d’opposer un veto à cette expansion. » Boris Eltsine rétorque en évoquant la menace d’une « paix froide » qui succéderait à la guerre du même nom : « Pourquoi semer les graines de la méfiance alors que nous ne sommes plus ennemis ? lance le président russe. Il est trop tôt pour enterrer la démocratie en Russie ! »

Prudents, les Européens souhaitent éviter un retour de la division de leur continent en blocs. François Mitterrand pense qu’une extension de l’OTAN « empêchera très difficilement [la Russie] d’éprouver le sentiment d’être encerclé ». Jacques Delors, président de la Commission européenne, veut exclure « un nouveau mur ». Le premier ministre britannique John Major prône la ligne « pas de veto contre les Russes, pas de surprise de l’Ouest ».

Nouvelle menace contre le mémorandum de Budapest

On le voit, les préoccupations européennes étaient sans doute prémonitoires, et quant à l’enterrement de la démocratie en Russie, Boris Eltsine ne se trompait que sur le timing. Malgré ces dissonances, un important document est signé ce jour-là à Budapest : le mémorandum de Budapest, aux termes duquel l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan, jeunes républiques échappées de l’URSS trois ans plus tôt, acceptent de transférer à la Russie les armes nucléaires soviétiques entreposées sur leur territoire et signent le traité de non-prolifération nucléaire.

C’était le cauchemar de Washington à l’effondrement de l’Union soviétique : se retrouver face à quatre puissances nucléaires, potentiellement instables, au lieu d’une. L’administration Bush a donc tordu le bras aux dirigeants des trois nouveaux Etats pour les faire renoncer à leur arsenal nucléaire, en échange d’aide économique et, surtout, de « garanties » du respect de leur intégrité territoriale.

On sait ce que valaient ces garanties : vingt ans plus tard, Vladimir Poutine, le successeur d’Eltsine, annexait la Crimée, territoire ukrainien. Ce que l’on sait moins, c’est que le mémorandum de Budapest est aujourd’hui de nouveau menacé de violation, cette fois par la Biélorussie. Une crise peut en cacher une autre ; derrière la crise russo-ukrainienne se profile un autre foyer de tension, susceptible de déstabiliser tout l’ordre de sécurité européen : la possibilité d’un redéploiement d’armes nucléaires en Biélorussie.

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