Livre. Les années 2010 auront été celles du retour du peuple sur le devant de la scène politique. Le peuple des révolutions arabes, celui du soulèvement démocratique de Hongkong ou encore des révoltes citoyennes ayant émaillé la décennie, des « indignados » de la Puerta del Sol à Madrid aux « gilets jaunes ». Mais il est un autre peuple qui a tenu le devant de la scène, c’est celui invoqué à tout bout de champ par des leaders politiques populistes qui ne cessent de flatter ses pires instincts, identitaires et nationalistes, d’agiter ses peurs pour mieux s’emparer du pouvoir. Dans un cas comme dans l’autre, le peuple a été mis en échec. C’est l’amer constat que tirent Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud dans leur ouvrage, Le Rendez-Vous manqué des peuples.
L’intérêt de leur livre est de relier ces deux mouvements populaires, ceux issus de l’espoir et ceux nés du ressentiment, de les mettre en miroir. Les premiers aspirent à la démocratie au moment où les seconds n’y croient plus, notamment à la suite de la crise de 2008 qui a ébranlé la notion même de progrès social. En apparence, cette dichotomie oppose un « Sud » pas encore sorti de l’autocratie, à un « Nord » ayant perdu foi en ses valeurs et inquiet de sa perte d’identité.
Mais cette opposition apparente n’est pas si univoque. La demande de démocratie n’est pas l’apanage du monde arabe, même si c’est le « printemps » de 2011 qui a remis la notion de révolution sur le devant de la scène. Il a fixé un modèle, celui des révolutions citoyennes et pacifiques, sans leader : d’une force redoutable au pic de la mobilisation mais sans recours lorsqu’il s’agit de proposer un modèle de régime ou de faire face à la répression. En Occident aussi, la démocratie peut être une aspiration et un idéal, comme le prouvent les soulèvements ukrainien, en 2014, et biélorusse, en 2020.
Pas de continuum linéaire
Quant au « Sud », il n’est pas immunisé contre le populisme : le Brésil du président Bolsonaro, l’Inde du premier ministre Modi ou la Turquie du président Erdogan en sont de bons exemples. Rien n’empêche ceux qui n’ont pas connu la démocratie, ou qui viennent seulement d’y goûter, de basculer dans le populisme, à l’instar de la Tunisie du président Kaïs Saïed. A l’inverse, le populisme peut déboucher sur un sursaut démocratique, comme ce fut le cas lors de la dernière présidentielle américaine.
L’histoire n’est pas un continuum linéaire conduisant de l’autocratie à la démocratie avant de verser dans le populisme. La fin des religions en Occident puis celle des idéologies ont laissé la place à un vide propice aux « croyances », plus faciles à manipuler.
Il vous reste 25.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article « Le Rendez-Vous manqué des peuples »: un constat amer de l’échec des révoltes populaires est apparu en premier sur zimo news.