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« Il est audacieux d’affirmer que la géographie du vote populiste ne recoupe pas celle de l’immigration »

Tribune. Hervé Le Bras affirme que « la répartition du vote populiste dans les pays européens renvoie à des découpages géographiques anciens » et donc que la concordance entre présence immigrée et vote pour l’extrême droite est à relativiser. Ainsi il oppose la France des champs ouverts et à l’habitat groupé du Nord-Est et de la zone méditerranéenne qu’il affirme être réceptive aux thèses populistes à celle du bocage, champs clos et habitat dispersé, de l’Ouest et du Sud-Ouest, qui le serait moins.

Cette explication est pour le moins surprenante. Le retard de l’agriculture du bocage ayant entraîné une industrialisation tardive, – ne serait-ce pas plus tôt l’absence de mines de charbon et de fer ? – les paysans de l’Ouest auraient bénéficié « d’une ascension sociale et d’un désenclavement qui ont créé des attentes positives. Les paysans sont ainsi devenus ouvriers, puis employés, puis cadres ».

Chacun sait que l’industrie agroalimentaire a été une remarquable opportunité pour les ouvrières bretonnes d’une ascension sociale notable : bas salaires et absence de formation. Précisons encore qu’à l’élection présidentielle de 2017 dans vingt-quatre départements de l’Ouest et du Sud-Ouest, les scores de Marie Le Pen ont dépassé les 15 % des inscrits contre 4 % en 2002, ce qui traduit une incontestable « nationalisation » du vote populiste.

Le poids de la fermeture des mines et de la désindustrialisation

En revanche, dans l’Est, selon Hervé Le Bras « la sociabilité de l’habitat groupé et la désindustrialisation ont alimenté une atmosphère anxiogène » favorable aux votes populistes. Mais est-il raisonnable d’expliquer l’implantation du FN dès les années 1980 sur le pourtour méditerranéen – Languedoc compris qui n’a jamais été industrialisé – par la désindustrialisation sans prendre en compte l’immigration et la présence d’une population de pieds-noirs ?

Quant au vote populiste dans les bassins miniers et industriels du nord et de l’est de la France, il ne doit rien à l’héritage de la supposée sociabilité perdue d’un paysage de campagne ouverte mais bien à une fermeture des mines et à une désindustrialisation mal anticipée par les acteurs économiques, patronat comme syndicats, et politiques, assurés d’une réélection confortable.

Il est pour le moins audacieux d’affirmer que la géographie du vote populiste ne recoupe pas celle de l’immigration. En effet, elle ne la recoupe pas systématiquement, surtout quand on mène l’analyse au niveau départemental, ce que fait Hervé Le Bras, qui masque les corrélations entre vote d’extrême droite et présence immigrée, alors qu’elles apparaissent à un niveau plus local.

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