Les Etats-Unis veulent disposer à leur guise de fonds appartenant à un Etat étranger, dont ils ne reconnaissent pas les dirigeants, et dont la population vit une catastrophe humanitaire. Ainsi se posent les termes de la décision complexe et controversée prise par l’administration Biden, vendredi 11 février. En signant un décret exécutif, le président américain a ouvert la voie à un partage en deux parts égales des fonds appartenant à la banque centrale afghane (Da Afghanistan Bank, DAB), soit sept milliards de dollars, saisis à l’été 2021. Cet argent devrait être transféré sur un compte de la Réserve fédérale de New York. La moitié sera réservée à des familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001, qui ont demandé réparation devant la justice, au civil. L’autre, à l’aide humanitaire pour la population afghane.
Lorsque les talibans ont repris le pouvoir à la mi-août 2021, les Etats-Unis ont été obligés de collaborer avec eux pour évacuer civils et militaires, via l’aéroport de Kaboul. En revanche, lorsqu’il s’agit d’argent, la confiance n’est plus de mise. Dès le 17 août, le Trésor américain avait gelé les fonds de la DAB, détenus à l’étranger. Soit sept milliards de dollars aux Etats-Unis, auxquels s’ajoutent environ deux milliards dans d’autres pays : les Emirats arabes unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Suisse.
A la suite de longues consultations entre les administrations concernées (Justice, Trésor, département d’Etat), la Maison Blanche a choisi de ne plus garder cet argent sous cloche. Après autorisation de la justice, un fonds spécial, dont le profil sera précisé dans les mois à venir, doit être mis en place pour recevoir la moitié, soit 3,5 milliards de dollars, qui seront consacrés à l’aide humanitaire. Le décret exécutif qualifie le contexte afghan de « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique étrangère des Etats-Unis », justifiant donc la saisie de ces fonds, au nom d’une loi de 1977 confiant au président américain des pouvoirs extraordinaires en matière commerciale.
« Un million d’enfants pourrait mourir »
Selon de hauts responsables de l’administration, il s’agit de trouver des modalités pour faire parvenir cette aide à la population afghane en contournant les talibans. Ni l’objectif ni les délais nécessaires, forcément longs, ne semblent pourtant de nature à rassurer les observateurs du désastre, sur le terrain. Depuis août, les alertes se multiplient sur la situation économique, sanitaire et surtout alimentaire. Une vague de réfugiés se profile et certains experts craignent une résurgence des groupes islamistes armés proches d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique, à la faveur du désespoir ambiant.
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