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Comment le président « AMLO » militarise le Mexique

Par Frédéric Saliba

Publié aujourd’hui à 16h00

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ReportageAndres Manuel Lopez Obrador a confié des mégaprojets d’infrastructures civiles à l’armée, devenue le pilier de sa politique de transformation du pays.

Un nuage de poussière plane sur l’immense chantier du second aéroport de Mexico, où la valse des bulldozers donne le tournis. Une patrouille de soldats roule au pas dans cette ancienne base aérienne militaire, plantée à 45 kilomètres du centre de la mégalopole. Environ 4 700 ouvriers font les trois-huit pour terminer les travaux à temps. Le président, Andres Manuel Lopez Obrador (« AMLO »), a fixé au 21 mars l’inauguration de l’ouvrage. C’est l’un des nombreux « projets prioritaires » confié par le chef de l’Etat à l’armée, devenue le pilier de sa « transformation du Mexique ». Grands travaux, sécurité publique, lutte contre l’émigration clandestine, santé, programmes sociaux… Les soldats sont partout. L’opposition, les experts et les défenseurs des droits de l’homme dénoncent une « militarisation du pays ».

L’armée, connue pour son opacité, joue la carte de la communication en accueillant sur le chantier, ce 1er février, 43 journalistes pour une visite guidée menée au pas de charge. Cameramen et photographes s’entassent à l’arrière de trois énormes Ford Cheyenne. Les pick-up camouflage foncent vers l’imposant terminal flambant neuf, suivis par le bus affrété pour la presse. Des soldats font le salut militaire au passage du convoi qui traverse les 1 500 hectares du futur « aéroport international Felipe-Angeles (AIFA) », du nom d’un artilleur, héros de la révolution mexicaine de 1910. La tour de contrôle trône au loin, à côté de monticules de terre. Une des trois pistes d’atterrissage reçoit déjà des vols de l’armée.

« L’armée, c’est le peuple en uniforme »

A l’intérieur du terminal, aux 55 000 mètres carrés de triple vitrage, le vrombissement des perceuses rythme la visite. « Les travaux sont finis à 88 %, se félicite le capitaine, Raul Miranda, l’un des ingénieurs de l’armée chargé du chantier lancé en octobre 2019. L’aéroport accueillera 19,5 millions de passagers par an pour désengorger le vieil aéroport de Mexico saturé. » Micro à la main, le capitaine énumère les prouesses technologiques de l’ouvrage dans la salle du futur conseil d’administration. Une fois inauguré, l’AIFA sera géré par des gradés. « AMLO » a annoncé que ses revenus seront destinés aux retraites des soldats. Une holding militaire administrera aussi trois autres nouveaux aéroports, construits par l’armée dans le sud du pays. Baptisée « Groupe aéroportuaire et ferroviaire », l’entreprise gérera également le fameux train Maya.

Construction du nouvel aéroport international Felipe-Angeles, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Mexico, au Mexique, le 1er février 2022. L’aéroport devrait ouvrir ses portes en mars 2022. LISETTE POOLE POUR « LE MONDE » Des véhicules militaires sur la piste du futur aéroport international Felipe-Angeles, au nord-est de Mexico (Mexique), le 1er février 2022. LISETTE POOLE POUR « LE MONDE »

C’est l’autre projet pharaonique d’« AMLO » : une boucle ferroviaire de 1 500 kilomètres, qui reliera des ruines archéologiques mayas et des stations balnéaires pour doper le tourisme du sud-est du pays, bien au-delà de Cancun. L’armée construit, depuis 2020, trois des sept tronçons de voies ferrées qui seront inaugurés en 2023. Son budget a bondi de 2,9 à 9,7 milliards de dollars (de 2,5 à 8,5 milliards d’euros). Quant à la marine, elle se charge, depuis 2019, d’un second projet ferroviaire : le corridor interocéanique de l’isthme de Tehuantepec traversera le sud du pays, reliant la côte Pacifique au golfe du Mexique. Ces deux mégaprojets resteront, eux aussi, aux mains des militaires.

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