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Le Brésil s’indigne après le meurtre d’un Congolais à Rio de Janeiro

La mère de Moïse Kabagambe (au centre), lors d’une manifestation pour demander justice pour sa mort violente, à Rio de Janeiro, le 5 février 2022. BRUNA PRADO / AP

Moïse Mugenyi Kabagambe est mort sous les coups des employés d’un kiosque de plage, le 24 janvier. Ce Congolais de 24 ans a reçu 30 coups de bâtons en un quart d’heure, tandis que les clients se rafraîchissaient de noix de coco. Réfugié au Brésil depuis 2011, il venait réclamer deux jours de salaire pour rentrer chez lui en bus. En réponse, ses « collègues » lui ont sauté dessus puis ont abandonné son corps sur cette plage fréquentée par la classe privilégiée de Rio de Janeiro. Une fois leur forfait accompli, les trois hommes ont essuyé leurs fronts et repris le service. Le lynchage, filmé par les caméras de surveillance, a choqué la société brésilienne, tant les gestes sont exécutés mécaniquement et tranquillement, alors que les images sont insoutenables à regarder. Une manifestation en mémoire de Moïse a été organisée samedi 5 février, à Rio et dans d’autres villes brésiliennes.

Pour caractériser le racisme au Brésil, où plus de la moitié de la population est noire, les sociologues ont recours aux indicateurs sociaux, qui sont tous largement défavorables aux Noirs. Ils s’appuient également sur les statistiques de la violence, qui, chaque année, montrent que les Noirs représentent près des trois quarts des victimes fatales de la police. Mais devant le lynchage de Moïse, battu à mort dans l’indifférence générale, le sociologue José de Souza Martins, auteur de l’ouvrage Lynchages : la justice populaire au Brésil (Contexto, 2015, non traduit), avance que « ce n’est pas seulement du racisme ; c’est plus compliqué que ça ».

Sous les yeux de la police municipale

« Moïse a été victime de trois préjugés : sa couleur de peau, son statut d’étranger et sa revendication salariale. Ces trois assassins ont estimé qu’un Noir, étranger de surcroît, n’a pas à exiger un salaire. C’est un héritage de l’esclavagisme que le Brésil n’a jamais affronté », considère José de Souza Martins. Ce professeur à l’université de Sao Paulo a étudié en détail près de 2 000 lynchages, entre 1950 et 2000. « Le racisme brésilien est un racisme dissimulé et lâche », ajoute-t-il, mais, pour la première fois cependant, le professeur note « une vraie indignation de la société. C’est nouveau et cela donne de l’espoir ».

C’est grâce à la ténacité de la famille de Moïse que son agonie a été connue. A la morgue, son corps a été placé avec ceux des indigents, alors qu’il avait des papiers d’identité sur lui. Sa famille n’a pas été prévenue et la police a immédiatement mis son cas en dessous de la pile. Quant à la police municipale, présente lors du meurtre, elle n’a pas levé le petit doigt.

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