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En Afghanistan, les talibans partagés entre pragmatisme et répression

Des Afghans sont assis par terre devant une boulangerie en attendant de recevoir une ration de pain, à Kaboul, le 31 janvier 2022. ALI KHARA / REUTERS

Le nombre d’enfants mendiant dans les rues d’une capitale reste un signe fiable de l’état d’un pays. En ce tout début du mois de février, celles de Kaboul, entourées de montagnes enneigées, montrent combien l’Afghanistan souffre économiquement après six mois de régime taliban. Selon les ONG, la situation est encore plus grave dans le Sud, où des enfants souffrant de malnutrition sont reçus chaque jour dans les centres de santé. L’Afghanistan était pauvre avant le retour des islamistes au pouvoir, mais l’aggravation des conditions de vie montre la difficulté des actuels dirigeants à gérer le pays.

L’équation talibane pour transformer une force insurrectionnelle en force de gouvernement semble loin d’être réglée. Les décisions prises depuis début septembre 2021 portent surtout sur l’adaptation autoritaire des principes d’éducation, de santé publique, du rapport homme-femme ou de souveraineté nationale aux convictions religieuses talibanes. En revanche, aucune réforme de fond n’a encore été engagée en matière de politiques publiques, d’agriculture, de fiscalité, d’infrastructures, d’énergie… Et pour cause, l’instance de pouvoir des islamistes afghans reste la choura talibane (conseil traditionnel), et non le gouvernement. La choura fonctionne selon un mode consensuel ; il faut que tout le monde soit d’accord pour que la décision soit mise en œuvre. Ce qui est rarement le cas.

Selon un diplomate qatari interrogé par Le Monde, les dirigeants talibans finalisent la refonte de leur mode de gouvernance et promettent de faire une annonce « dans les trois mois ». Elle associerait, au sein d’un conseil consultatif, d’autres voix que les leurs. Il ne s’agirait pas d’ouvrir les postes de pouvoir à d’autres forces politiques, mais d’y inclure d’autres formes d’autorité de la société afghane, non religieuses, telle que des chefs tribaux. Néanmoins, ces derniers mois, les talibans ont déjà fait de telles déclarations, sans parvenir à les mettre en œuvre.

Desserrer l’étau financier

L’autre obstacle majeur à la démonstration de capacités gestionnaires tient à la crise grave de liquidités liée aux sanctions financières américaines, et notamment au gel de près de 10 milliards de dollars (8,7 milliards d’euros) de la banque centrale afghane. En réponse, les talibans viennent tout juste de présenter un premier budget à 450 millions de dollars, essentiellement constitué des droits de douanes et des taxes perçus depuis leur arrivée. Cette manne, assurent-ils, leur permettra de payer une partie des salaires des fonctionnaires. Le régime a ajouté que si cette somme n’était pas suffisante pour faire fonctionner l’Etat, cela montrait au moins que le pays pouvait, sans corruption, collecter autant d’argent que le régime précédent. Mais ce dernier pouvait compter sur l’aide américaine et celle de la communauté internationale.

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