Bruxelles dévoilera mardi un projet autorisant 42 milliards d’euros d’investissements publics en faveur de l’industrie des semi-conducteurs d’ici à 2030, pour doubler sa part de marché mondial dans ce secteur stratégique qui subit des pénuries.
« C’est un moment extrêmement important pour l’Europe, car pour la première fois elle fait évoluer les règles sur la politique de concurrence, notamment les aides d’Etat », a expliqué vendredi à des journalistes le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui pilote le projet.
La présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, a fixé l’objectif de doubler la part de marché de l’UE dans les semi-conducteurs à 20% de la production mondiale d’ici à la fin de la décennie, pour réduire la dépendance à l’Asie. Dans un marché qui devrait lui-même doubler, cela signifie une multiplication par quatre de la production sur le territoire européen.
Pour ce faire, la Commission va valider mardi un soutien public massif. Le projet de règlement, qui devra encore être adopté par les pays membres et le Parlement européen, traduit la volonté nouvelle d’avoir une politique industrielle interventionniste sur un continent très ouvert à la concurrence.
Bruxelles prévoit 12 milliards d’euros de subventions (6 milliards de l’UE et 6 provenant des États membres) pour financer la recherche dans les puces les plus innovantes et des lignes pilotes pour préparer leur industrialisation.
Pour permettre l’implantation d’usines de très grande taille, mais aussi favoriser l’innovation au sein d’entreprises plus petites, il autorisera en outre 30 milliards d’euros d’aides publiques des États membres à des industriels du secteur, y compris des groupes étrangers, comme l’américain Intel qui envisage d’investir en Europe.
Ces fonds publics devraient entraîner un montant encore plus important d’investissements privés, espère la Commission.
Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, le 26 janvier 2022 à Bruxelles (AFP/Archives – JOHN THYS)
« L’UE se dotera des moyens de garantir sa sécurité d’approvisionnement, comme le font par exemple les États-Unis », y compris avec de possibles limitations des exportations en cas de crise, a précisé Thierry Breton.
« L’Europe reste un continent ouvert, mais à ses conditions », a-t-il résumé, évoquant un « changement de paradigme ». Une telle politique aurait été impossible quand le Royaume-Uni était encore dans l’UE, a-t-il assuré.
Incontournables dans les objets du quotidien comme l’automobile ou les téléphones mobiles, les semi-conducteurs font l’objet de pénuries depuis près de trois ans. Récemment, de nombreuses usines ont ainsi vu leur activité bloquée dans l’UE, devenue de plus en plus assujettie aux importations.
L’Union européenne dépend notamment de Taïwan pour plus de la moitié de ses besoins, a souligné M. Breton. D’où un risque économique majeur, par exemple si un conflit militaire survenait avec la Chine. « Si Taïwan n’était plus en capacité d’exporter, quasiment l’ensemble des usines du monde s’arrêteraient en trois semaines », a-t-il mis en garde.
Selon lui, la pandémie, et les ruptures d’approvisionnement qu’elle a provoquées en matière de masques ou de vaccins, a provoqué une prise de conscience des Européens.
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