Une grève silencieuse. Les rues et les commerces de Birmanie se sont vidés, mardi 1er février, pour marquer le premier anniversaire du coup d’Etat, tandis que l’ONU et Washington accentuent la pression sur les généraux.
Rangoun, la capitale économique, était déserte en fin de matinée et de nombreux magasins restaient fermés. L’appel, lancé par les opposants à la junte, était très suivi à travers toute la Birmanie, comme à Myitkyina, capitale de l’Etat Kachin, dans le nord du pays, ou à Mandalay, dans le centre. « Personne ne sort dans mon quartier, les forces de sécurité patrouillent », a raconté à l’Agence France-Presse un habitant de la ville.
« Le silence est le cri le plus fort que nous pouvons lancer contre les soldats et leur sanglante répression », a écrit une opposante sur Twitter.
A l’aube mardi, des villageois de la région de Sagaing, dans le centre du pays, sont descendus dans les rues et se sont immobilisés le point levé, d’après des images diffusées sur les réseaux sociaux. D’autres se sont assis, faisant le salut à trois doigts en signe de résistance. A Rangoun, des étudiants ont déployé des banderoles contre la dictature.
Monywa University Students’ Union and Letpadaungtaung Main Strike join forces and staged an early morning anti-dict… https://t.co/DzeI5QdI8C
— minmyatnaing13 (@min myat naing)
« Nous continuerons à défier le régime par tous les moyens possibles. L’armée n’est PAS notre gouvernement légitime », a écrit une opposante sur Twitter.
Depuis le coup d’Etat du 1er février 2021 contre Aung San Suu Kyi, plusieurs grèves silencieuses ont été menées, dont une, en décembre, qui avait également vidé les rues du pays. Ulcérée, la junte a averti que de telles actions pourraient désormais être qualifiées de haute trahison, un crime passible de la peine de mort. Ils ont aussi menacé de saisir les commerces qui resteraient fermés, leurs partisans encourageant la population à la délation.
Des documents vidéo non datés fournis par l’équipe d’information de la junte, mardi, montraient des manifestations de soutien aux militaires dans des régions non spécifiées du pays. Des partisans du régime brandissaient le drapeau national et dénonçaient les « Forces de défense du peuple », ces milices citoyennes qui mènent régulièrement des opérations de guérilla contre les troupes du régime.
Mardi, dans le journal d’Etat Global New Light of Myanmar, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis d’organiser des élections « libres et équitables (…) dès que la situation serait pacifiée et stabilisée ».
Plus de 1 500 civils ont été tués par les forces de sécurité et près de 9 000 sont détenus dans les geôles du régime, d’après un observatoire local qui dénonce des cas de viol, de torture et des exécutions extrajudiciaires.
Enquête de l’ONU pour crimes contre l’humanité
Face à cette spirale de violences, la communauté internationale a accru, lundi, la pression sur les généraux. L’ONU a fait savoir qu’elle enquête sur des crimes contre l’humanité. « La justice internationale a la mémoire très longue et, un jour, les auteurs des crimes internationaux les plus graves commis en Birmanie devront rendre des comptes », a averti Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d’enquête indépendant pour la Birmanie, dans un communiqué. Créé par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en septembre 2018, ce mécanisme d’investigation constitue des dossiers en vue de procédures pénales.
Les Etats-Unis ont, de leur côté, imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières. Sont ciblées sept personnes et deux entités « liées au régime militaire de Birmanie ». Les plus hauts responsables judiciaires du pays, le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême, Tun Tun Oo, et le chef de la commission anticorruption, Tin Oo, sont notamment visés, selon un communiqué du Trésor américain. « Tant que le régime privera le peuple de Birmanie de sa voix démocratique, nous le ferons payer aux militaires et à leurs partisans, a mis en garde le président américain, Joe Biden. Je dis au peuple birman : nous n’avons pas oublié votre combat et nous continuerons à soutenir votre courageuse détermination à apporter la démocratie et l’Etat de droit dans votre pays. » Londres « défendra toujours le droit à la liberté (…) Nous ferons rendre des comptes à ce régime brutal et oppressif », a promis, de son côté, la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss.
Un nouveau chef d’accusation contre Aung San Suu Kyi
Depuis le putsch qui a mis fin à une décennie de transition démocratique, Aung San Suu Kyi, 76 ans, est assignée à résidence dans un endroit tenu secret. La Prix Nobel de la paix (1991) est visée par une multitude de chefs d’accusation – violation d’une loi sur les secrets d’Etat datant de l’époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption… Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée, cette fois, d’avoir fait pression sur la commission électorale lors des législatives de 2020 remportées massivement par son parti. Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de détention au terme de son procès.
Le pays a plongé dans le chaos ces douze derniers mois. Les poches de rébellion se multiplient et poussent la junte à intensifier sa répression, des violences qui ont fait des dizaines de milliers de déplacés.
L’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Noeleen Heyzer, a plaidé, lundi, pour la tenue prochaine d’une « réunion humanitaire » avec « la plupart des parties prenantes » au conflit. « Fin 2021, plus de 320 000 personnes étaient toujours déplacées à l’intérieur du pays. Depuis, le nombre a atteint plus de 400 000. Cela s’ajoute aux 340 000 personnes qui étaient déjà déplacées avant le 1er février 2021 », a-t-elle dit lors d’une conférence de presse en ligne.
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