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« Macron, commandant en chef des forces armées de l’OTAN » : Fabien Roussel s’emmêle les pinceaux

Invité de Franceinfo, mercredi 26 janvier, Fabien Roussel a été interrogé sur la crise en Ukraine. Alors que les tensions s’accroissent entre Américains et Russes, le candidat du Parti communiste (PCF) à l’élection présidentielle a déploré les « bruits de bottes » des soldats russes, mais aussi de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

L’alliance politique et militaire est au cœur des tensions actuelles. Si les Etats-Unis disent craindre une invasion russe de l’Ukraine après le renforcement, à la fin de 2021, des effectifs militaires massés à la frontière russo-ukrainienne, la Russie dément tout projet d’invasion et accuse les forces de l’OTAN de vouloir déstabiliser le pays.

Ce qu’a dit Fabien Roussel

Critiquant « l’absence de la France dans les discussions », et réclamant que le pays sorte de l’OTAN, le candidat communiste a affirmé que le président de la République, Emmanuel Macron, participait à cette « escalade guerrière » en envoyant des soldats en Roumanie en tant que chef militaire « de l’OTAN » :

« Il ne vous aura pas échappé que le président Macron (…) devient aussi commandant en chef des forces armées de l’OTAN en prenant la présidence de l’Union européenne. (…). Il vient de décider, lui, d’envoyer des troupes en Roumanie, là, il y a quelques jours. »

POURQUOI C’EST INEXACT

« Il se trompe lourdement, le président Macron ne devient pas le commandant en chef des forces armées de l’OTAN en prenant la tête du Conseil de l’Union européenne », affirme au Monde Amélie Zima, docteure en science politique et chercheuse au Centre Thucydide de l’université Panthéon-Assas, autrice d’un livre sur l’OTAN dans la collection « Que sais-je ».

Une coïncidence de calendrier

La France a bien pris la tête, le 1er janvier, du commandement de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation de l’OTAN (VJTF). Cette structure, créée en 2014 après l’annexion de la Crimée par la Russie et du déclenchement de la guerre dans le Donbass, est présidée à tour de rôle par les pays membres de l’OTAN : avant la France, elle a été dirigée par la Turquie en 2021, la Pologne en 2020, l’Allemagne en 2019, etc.

Il y a certes une concomitance avec le début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, également démarrée le 1er janvier, mais il s’agit d’une coïncidence de calendrier. En outre, la VJTF est loin d’être l’organe militaire suprême de commandement de l’OTAN.

Plusieurs niveaux de commandements

Au sein de l’Alliance atlantique, cet organe suprême est le comité militaire, dirigé depuis juin 2021 par l’amiral néerlandais Rob Bauer. Il regroupe tous les alliés et donne ses avis, par exemple, sur la politique de défense à adopter.

En dessous de ce comité existe également un état-major international, lui-même subdivisé en deux commandements stratégiques opérationnels :

le commandement allié de transformation (SACT), dirigé par un militaire français depuis les Etats-Unis, le général Philippe Lavigne ;
le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), dirigé par un militaire américain (le général Tod D. Wolters), basé en Belgique. La force de réaction de l’OTAN, composée de 40 000 hommes de différentes nationalités, est placée sous ce commandement. C’est au sein de cette entité que le président américain, Joe Biden, souhaite mobiliser 8 500 soldats américains pour riposter à une éventuelle invasion de l’Ukraine.

Une force de réaction rapide pour la dissuasion

La VJTF, dont la France a pris les commandes, est une des composantes de cette force de réaction de l’OTAN. Elle compte près de 20 000 soldats, dont 5 000 militaires terrestres, prêts à se déployer dans un délai court de deux à trois jours en cas de conflit. Elle est subordonnée au commandant suprême des forces alliées en Europe (ou Saceur, pour Supreme Allied Commander Europe). « Cela ne fait donc pas de la France, ni d’Emmanuel Macron, le commandant en chef des forces armées de l’OTAN. La France prend juste la tête d’une composante militaire de l’Alliance atlantique », détaille Amélie Zima.

Dans quel cas interviendrait-elle ? « Elle sert de force de dissuasion », poursuit la chercheuse, citant l’exemple des troupes de l’OTAN actuellement stationnées en Roumanie (environ 1 000 soldats) de manière préventive : « Si les Russes envahissaient le pays, c’est cette force de dissuasion, dirigée actuellement par la France, qui devrait intervenir. »

Deux informations « déconnectées »

C’est à cela que faisait allusion Fabien Roussel au sujet de la Roumanie, car avec l’accroissement des tensions dans l’est de l’Europe, le président Macron a annoncé, le 19 janvier, que la France était prête à déployer des militaires en Roumanie dans le cadre d’une augmentation des troupes de cette force militaire.

Jointe par Le Monde, l’équipe du candidat communiste admet qu’il a lié deux informations « alors qu’elles sont déconnectées l’une de l’autre ». Et d’ajouter :

« Ce qu’il voulait que l’on retienne de son propos, même s’il n’était pas parfaitement exact, c’est que la France n’est pas totalement étrangère au sujet qui nous occupe, à savoir les troupes de l’OTAN en Roumanie. »

En résumé, si la France vient de prendre les commandes d’une force militaire de l’OTAN, celle-ci n’est qu’une composante d’une force plus importante. Affirmer qu’Emmanuel Macron serait le commandant en chef des armées de cette organisation militaire est donc inexact.

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