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Grande distribution: tensions extrêmes dans les négociations avec les industriels

Le président de l’Ania, principale organisation de l’agroalimentaire français, ne cesse de le marteler: « Il faut que la réalité des hausses incroyables » des matières premières agricoles (+30% en un an pour le seul blé), de l’énergie, des emballages et des salaires « soient prises en compte », dit Jean-Philippe André.

Des grands groupes comme Danone, Fleury Michon ou McCain, aux PME, tous sont en train de négocier avec les centrales d’achats des supermarchés les prix auxquels leur production sera achetée. Chaque année, rappelle M. André, cette « grande affaire » tourne au « psychodrame », « dévastateur » vu les enjeux – une enseigne pouvant représenter 20% du chiffre d’affaires d’un industriel. L’inflation générale des coûts de production ajoute cet hiver un surplus de crispations: rien n’avance et les couteaux sont tirés.

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La tenue jeudi d’un « comité de suivi » des négociations, réunissant représentants des distributeurs, industriels et agriculteurs, a acté de profonds désaccords. Seuls 10% des contrats avec la grande distribution ont été signés, selon une source ministérielle.

« Les tensions se sont très clairement exprimées entre grande distribution et industriels » mais « il n’est pas question de décaler la date de la fin des négociations, qui reste le 1er mars », a déclaré le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie.

« Fermeté totale » 

« Le gouvernement sera d’une fermeté totale » en cas de non-respect de la loi dite Egalim 2, censée notamment écarter du jeu des négociations la part revenant aux agriculteurs, a-t-il poursuivi. Mais la FEEF, qui représente les PME fabriquant des produits de grande consommation, a relevé un effet pervers de la loi: « La non-négociabilité des produits agricoles a entraîné de facto la négociabilité des emballages, de l’énergie, du transport et des salaires » alors que « l’inflation est la plus forte sur ces postes ».

Les industriels demandent « en moyenne 5-6% de hausse », d’après le président de l’Ania, après avoir subi « huit ans de déflation » – avec des tarifs d’achat sabrés par la guerre des prix que se livrent les supermarchés pour attirer les clients. Les distributeurs affirment qu’ils vont accepter des hausses relatives aux matières premières agricoles, tout en s’inquiétant de la réaction des consommateurs face au « mur d’augmentations » des prix, selon l’expression de Michel-Edouard Leclerc. L’argument du pouvoir d’achat, en cette année électorale, exaspère les producteurs.

« Il faut sortir impérativement du dogme selon lequel la grande distribution serait responsable du pouvoir d’achat des Français. Cette logique court-termiste fragilise notre tissu industriel et social », s’est agacée la FEEF.

De son côté, la Fédération du commerce et de la distribution dénonce des demandes de hausse des industriels qui atteindraient 7 à 8% et qui « ne correspondent que pour un tiers aux conséquences de l’inflation des matières premières agricoles ».

Pour Damien Lacombe, président de Sodiaal (Candia, Yoplait) et de l’organisation fédérant les coopératives laitières, il faudrait pourtant obtenir « des hausses de 8 à 10% », qui resteraient « très modestes » pour le consommateur. « Cela fait cinq centimes de plus sur une bouteille de lait, quatre euros à la fin de l’année pour un foyer qui consomme 80 litres de lait par an », relativise-il.

Julien Denormandie a promis une « extrême fermeté »: « Depuis le 1er janvier, nous avons lancé 250 enquêtes avec la DGCCRF (concurrence et répression des fraudes) et nous allons continuer. Il y aura des sanctions. Nous mettons une pression très, très, très forte dans le tube pour que chacun respecte les règles ». Le ministre des PME Jean-Baptiste Lemoyne a appelé lui tous les acteurs à reprendre « le chemin des négociations dès ce soir, en ayant recours, le cas échéant, au médiateur ». « Un nouveau comité de suivi sera organisé vers le 20 février, pour maintenir la pression », a ajouté le ministre de l’Agriculture.

En 2021, les prix des produits de grande consommation achetés en supermarchés ont légèrement baissé, mais ils devraient grimper en ce début d’année et leur hausse pourrait même atteindre 3% au deuxième trimestre, selon Emily Mayer, du cabinet spécialisé IRI.

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