Cinq anciens paramilitaires guatémaltèques ont été condamnés lundi 24 janvier à trente ans de prison chacun pour les viols de femmes autochtones dans les années 1980, durant la guerre civile.
Les actes reprochés aux accusés sont constitutifs de crimes contre l’humanité, a déclaré le juge Gervi, du tribunal de la capitale du Guatemala, qui a prononcé le verdict. « Nous, les juges, nous croyons absolument les témoignages des femmes qui ont été violées », a insisté le magistrat en lisant le jugement contre les cinq anciens membres des patrouilles d’autodéfense civile, des milices créées par l’armée guatémaltèque.
Les condamnés sont les frères Benvenuto et Bernardo Ruiz, âgés de 63 et 57 ans, et trois hommes de la famille Cuxum : Damian (67 ans), Gabriel (60 ans) et Francisco (66 ans). Les cinq hommes ont écouté le verdict en visioconférence de la prison d’une caserne de la capitale, où ils sont détenus.
Viols par des militaires
Les victimes, de l’ethnie Achi, ont été violées à plusieurs reprises dans leur village de Rabinal ainsi que dans un poste militaire situé dans cette communauté maya à environ 175 kilomètres au nord de la capitale.
Avant le prononcé de la sentence, les victimes, assistées par des militantes, ont accompli un rituel près du palais de justice, dans le centre historique de la ville de Guatemala.
« J’avais 19 ans quand j’ai été emmenée dans le poste et que les militaires m’ont violée », a déclaré Margarita Siana, 59 ans. « J’ai beaucoup souffert dans ce poste militaire. C’était une grande douleur, une grande souffrance » pendant trois mois, a ajouté la femme, vêtue de son habit traditionnel, et le visage couvert par un masque sanitaire. « Cela nous fait toujours mal, nous ne disons pas des mensonges », a clamé Pedrina Lopez avant que les juges se retirent pour délibérer.
Non loin de là, dans l’enceinte du palais de justice, des proches des accusés exigeaient leur libération en brandissant des pancartes proclamant que les témoignages étaient des « accusations mensongères ».
« Avancée emblématique »
C’est la deuxième fois qu’un tribunal guatémaltèque condamne les auteurs d’agressions sexuelles contre des autochtones durant la guerre civile : en février 2016, deux anciens militaires avaient été condamnés à deux cent quarante et cent vingt années de prison pour avoir notamment réduit onze femmes autochtones à la condition d’esclaves sexuelles. « De nouveau, il a été mis en évidence que la violence sexuelle durant le conflit armé intérieur a été utilisée comme stratégie par l’Etat guatémaltèque », a dénoncé Me Lucia Xiloj, l’une des avocates des victimes, déplorant que des chefs militaires impliqués dans les viols commis à Rabinal n’aient pas été jugés.
Le bureau au Guatemala du Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, a salué le verdict, qui « constitue une avancée emblématique pour l’accès aux droits à la vérité, la justice et la réparation des femmes victimes de violences sexuelles [durant la guerre civile] ».
La guerre civile au Guatemala a fait 200 000 morts et disparus, selon une commission qui a enquêté sur les atrocités commises durant le conflit, en majorité par les forces armées.
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