Editorial du « Monde ». Une nouvelle fois, la Russie place l’Europe devant ses responsabilités : en menaçant l’Ukraine par une pression militaire massive et ostensible, Moscou met les Européens au défi de réagir, au côté de leur allié américain. Diverse, plurielle et multiforme, l’Europe est mal équipée pour parler d’une seule voix et agir en conséquence. Il est cependant crucial qu’elle maintienne son unité et adopte les mesures de fermeté qui s’imposent dans cette crise.
Sous différents formats, les Européens sont impliqués dans certaines discussions diplomatiques en cours avec la Russie : dans le cadre de l’OTAN, dont la majorité des trente Etats membres sont européens, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), où ils sont tous représentés, et, de manière plus réduite, au sein du « format Normandie », où la France et l’Allemagne tentent depuis 2014 avec la Russie et l’Ukraine de trouver une solution au conflit du Donbass.
Les Etats-Unis informent très régulièrement les Européens de leurs discussions bilatérales avec la Russie depuis le début de la crise ; ils ont par ailleurs, séparément, une coopération étroite en matière de renseignement avec le Royaume-Uni au sein du groupe « Five Eyes », qui inclut aussi le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Mais l’Union européenne (UE) – dont certains Etats ne sont pas membres de l’OTAN – ne participe pas aux discussions. C’est un problème. L’UE est l’organisation européenne la plus intégrée et donc la plus directement concernée par une crise majeure à ses frontières. Elle est aussi directement concernée par toute éventuelle réorganisation de l’ordre de sécurité du continent.
« Conséquences massives »
Si elle veut s’imposer comme partenaire à part entière, cependant, l’Union doit d’abord s’accorder sur un message clair, unitaire et résolu face à Moscou. De nouveau réunis, lundi 24 janvier, à Bruxelles, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept devaient continuer à travailler sur la panoplie de sanctions à imposer à la Russie en cas de nouvelle agression contre l’Ukraine.
En décembre 2021, l’UE a assuré qu’une telle agression contre l’Ukraine aurait des « conséquences massives et un coût sévère ». Il reste à déterminer quelles mesures, précisément, infligeraient de telles conséquences et à partir de quel seuil d’agression.
Depuis 2014, l’UE a su éviter de se diviser sur les sanctions décidées au lendemain de l’annexion de la Crimée, reconduites tous les six mois. Avec les Etats-Unis, elle a aussi maintenu ces deux derniers mois un front remarquablement uni, compte tenu de la diversité des sensibilités de ses Etats membres, face à ce nouveau défi russe.
Il faut maintenant aller plus loin, entrer dans le concret, prendre conscience du fait que certaines sanctions, pour être véritablement dissuasives, infligeront aussi un coût aux économies européennes et que toute agression doit être sanctionnée.
L’Allemagne doit avoir la lucidité et le courage de le comprendre. La France doit prendre garde à ne pas brouiller le message lorsqu’elle insiste, à juste titre, sur une réelle prise en compte de la voix et des intérêts européens dans la discussion russo-américaine.
Le président Vladimir Poutine sait parfaitement jouer des divisions entre Européens. Lui en offrir l’occasion dans cette crise serait désastreux. Mais c’est aussi à Washington que les Vingt-Sept doivent adresser ce message clair, unitaire et résolu : l’avenir du continent européen ne peut se négocier sans l’UE.
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