La revue des revues. Comment redonner un cap à la politique étrangère française ? L’élection présidentielle devrait être l’occasion d’un tel débat, d’autant plus qu’il s’agit, selon la Constitution, du « domaine réservé » du chef de l’État et qu’il y consacre une bonne partie de son temps. C’est pourtant rarement le cas même si, cette année, en raison de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour six mois et de l’engagement européen d’Emmanuel Macron, le sujet sera plus présent. Dans sa dernière livraison, Politique étrangère, la revue de l’Institut français des relations internationales (IFRI), y consacre un riche dossier.
« En France, nous vivons sur une politique étrangère qui, après l’effondrement de la seconde guerre mondiale, a préservé jusqu’à nous les principes posés par la IVe République (lien transatlantique, construction européenne, siège permanent au Conseil de sécurité, arme nucléaire…). Des principes précisés et élargis à une dimension “tiers-mondiste” par de Gaulle puis assumé par ses successeurs », note Thierry de Montbrial.
Le président de l’IFRI, appelle à repenser l’action internationale de la France en fonction de cet héritage, mais aussi du constat « d’un mal-être croissant dû à des fragmentations internes et à un déclin économique relatif qui oblitère nos choix ». C’est d’autant plus urgent que « les Etats-unis ne seront plus là demain pour nous protéger en toutes circonstances ; on ne peut plus se contenter du magistère de la parole et de moyens symboliques. »
Combinaison de crises
La donne mondiale change vite. « La combinaison, non maîtrisable, des crises environnementales, technologiques, géopolitiques, multiplie les interdépendances et les contraintes », renchérissent Thomas Gomart, directeur de l’IFRI, et Martin Briens, diplomate, soulignant que « les confrontations ne seront pas seulement militaires mais s’étendront à tous les milieux, réels comme virtuels, tout en pouvant demeurer en deçà du conflit ouvert, dans l’ombre portée du nucléaire qui entre dans un nouvel âge ».
Se projetant à l’horizon 2050, les deux auteurs veulent que la diplomatie française passe de la prévoyance à ce que l’on appelle, en relations internationales, la « grande stratégie », c’est-à-dire « produire de la sécurité en fonction d’une vision du monde ». La Chine veut devenir la première puissance mondiale et les Etats-Unis sont décidés à rester au moins primus inter pares sur la scène mondiale. La France se doit d’élaborer aussi sa stratégie, dans l’Europe et avec l’Europe, mais en étant consciente que « l’Union n’a pas été fondée comme puissance et qu’il y aurait une illusion dangereuse à croire qu’elle pourrait jouer le même jeu que Pékin ou Washington ». D’où la nécessité de miser conjointement sur les deux niveaux, l’européen et le national, quand le premier s’enlise.
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