Publié le : 18/01/2022 – 17:19
Pyongyang a confirmé, mardi, avoir effectué, la veille, deux tirs de missiles tactiques. Il s’agit du quatrième lancement en moins de deux semaines pour la Corée du Nord. Comment expliquer un tel activisme de la part du régime de Kim Jong-un ? Éléments de réponse.
C’est une série inhabituelle, même pour la Corée du Nord, pays le plus fermé de la planète et réputé pour ses provocations militaires. Pyongyang a confirmé, mardi 18 janvier, avoir tiré deux missiles tactiques qui ont frappé la veille “avec précision une île-cible dans la mer orientale de Corée”, selon l’agence étatique nord-coréenne KCNA.
Depuis le début de l’année, la Corée du Nord a déjà effectué quatre lancements, dont des missiles hypersoniques volant à Mach 5, soit cinq fois la vitesse du son, les rendant plus difficile à intercepter.
La fréquence et la variété des tests de missiles montrent que la Corée du Nord « essaie d’améliorer sa technologie et ses capacités opérationnelles pour mener des actions secrètes, afin que les autres pays aient du mal à détecter les signes des préparatifs en vue d’un tir », a commenté le ministre japonais de la Défense, Nobuo Kishi, au cours d’un point de presse.
“C’est assez nouveau que la Corée du Nord teste autant de missiles au mois de janvier”, confirme à France 24 Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique. “En revanche, ces tirs s’intègrent parfaitement dans une campagne d’essais que la Corée du nord a débuté en 2019, avec des douzaines et des douzaines de tirs de missile à courte portée. L’objectif est de pouvoir pénétrer les défenses anti-aériennes sud-coréennes en allant plus vite grâce à ses missiles hypersoniques, ou encore en améliorant la manœuvrabilité de ses projectiles”.
Les missiles hypersoniques font partie des “premières priorités” du plan quinquennal de la Corée du Nord, avaient annoncé l’an dernier les médias d’État.
“Techno-nationalisme” nord-coréen
Avec cette série de tirs, Pyongyang envoie un message clair de fermeté à la communauté internationale, alors que l’administration Biden a imposé de nouvelles sanctions au régime de Kim Jong-un et a exhorté le Conseil de sécurité des Nations unies à en faire de même.
“La Corée du Nord veut montrer à la communauté internationale que malgré les sanctions, le pays tient bon et continue le développement de ses capacités balistiques”, analyse Antoine Bondaz.
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Ces lancements permettent à Pyongyang de réaffirmer son pouvoir de nuisance à deux mois de l’élection présidentielle en Corée du Sud et alors que son seul allié de poids, la Chine, s’apprête à accueillir les Jeux olympiques d’hiver.
Cette démonstration de force servirait également au régime à mobiliser sa population dans un contexte de pénuries alimentaires.
Kim Jong-un poursuit ainsi la mise en scène d’un “techno-nationalisme” nord-coréen, estime Antoine Bondaz. “Le régime veut montrer que malgré des moyens limités, le pays peut faire presque comme les grands en développant des capacités balistiques modernes”, explique le chercheur.
Pyongyang voudrait ainsi impressionner la population avec des prouesses militaires vu qu’ »il est devenu clair que le Nord aura du mal à briller sur le terrain économique”, assure de son côté Cheong Seong-chang, du Centre d’études nord-coréennes à l’Institut Sejong de Séoul.
Un régime aux abois ?
Problème chronique en Corée du Nord, les pénuries alimentaires se sont aggravées avec la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières. À cela se sont ajoutées des inondations catastrophiques pour les récoltes en août 2021.
Cependant, la stratégie nord-coréenne est en train d’évoluer et une reprise durable des importations chinoises semble être à l’ordre du jour. Signe de ce changement de cap, un train de marchandises a franchi, le 16 janvier, la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, une première depuis un an et demi.
La Corée du Nord se prépare en réalité depuis plusieurs mois à la reprise du commerce, explique Nicolas Rocca, le correspondant de RFI à Séoul, citant “la transformation d’un aéroport près de la frontière chinoise en lieu de dépôt pour désinfecter et placer en quarantaine les importations”.
Selon certains experts, cette série inédite de tirs de missiles et la reprise du commerce terrestre seraient la preuve d’une volonté de Kim Jong-un de sortir le régime de son isolement.
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Les États-Unis ont renouvelé cette semaine leur appel au dialogue “sans conditions préalables”, mais la perspective de nouvelles discussions avec la Corée du Nord en 2022 semble très incertaine. Les pourparlers entre Américains et Nord-Coréens sont dans l’impasse depuis l’échec du sommet d’Hanoï, en 2019, entre Kim Jong-un et Donald Trump.
“On voit que les sanctions internationales ne marchent pas car elles ne forcent pas Pyongyang à revenir à la table des négociations. Par ailleurs, les incitations venant de Corée du Sud n’ont pas mieux fonctionné”, note Antoine Bondaz. “C’est un aveu d’impuissance de la communauté internationale dont l’objectif reste la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la Corée du Nord”.
Avec Reuters et AFP
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