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Cinq questions sur l’affaire Novak Djokovic avant le début de l’Open d’Australie

Depuis son arrivée sur le sol australien, le 5 janvier, Novak Djokovic ne cesse de défrayer la chronique. L’affaire, après de multiples rebondissements, doit normalement se conclure dimanche : le sort du n°1 mondial du tennis masculin, de nouveau en attente dans un centre de rétention de Melbourne, doit être tranché par une Cour fédérale.

Novak Djokovic face à l’État australien : jeu, set et match ? Le n°1 mondial du tennis masculin pensait avoir marqué des points depuis son arrivée en Australie, le 5 janvier, avec un succès judiciaire cassant l’annulation de son visa. Mais l’exécutif australien en a finalement décidé autrement, vendredi 14 janvier, en annulant son visa à quelques jours du début de l’Open d’Australie. Une Cour fédérale va devoir trancher définitivement, dimanche, sur le sort de « Nole ».

1- Pourquoi la justice a-t-elle d’abord donné raison à Novak Djokovic ?

Novak Djokovic, muni d’une « dérogation médicale » délivrée par la Fédération australienne, arrive à Melbourne le 5 janvier au soir en vue de sa participation à l’Open d’Australie, qui débute le 17 janvier. Neuf heures après son atterrissage, et après un entretien avec la police des frontières où il se voit notamment reprocher de ne pas avoir rempli le bon formulaire pour entrer dans le pays, le tennisman apprend le 6 janvier au matin que son visa est annulé. Ses avocats déposent un recours contre son expulsion d’Australie et obtiennent un sursis jusqu’au 10 janvier.

En attendant, Novak Djokovic est placé plusieurs jours dans un centre de rétention, le Park Hotel à Carlton, dans la banlieue de Melbourne – où sont aussi détenus des dizaines de réfugiés, parfois depuis des années. Le 10 janvier, le juge australien chargé de statuer sur l’affaire, Anthony Kelly, ordonne la libération immédiate de Novak Djokovic. Pour lui, si les autorités lui en avaient laissé le temps, il « aurait pu consulter d’autres personnes et présenter des arguments pour expliquer pourquoi son visa ne devrait pas être annulé« .

Un avocat du gouvernement australien avertit, toutefois, que l’exécutif peut encore décider de l’expulser, ce qui aurait pour conséquence d’interdire à Novak Djokovic l’entrée sur le territoire pendant trois ans.

De son côté, le patron du tennis australien Craig Tiley défend sa fédération contre les critiques l’accusant d’avoir induit les joueurs en erreur à propos de la réglementation pour entrer dans le pays, déclarant que le gouvernement avait « refusé » de vérifier la validité des exemptions médicales avant leur arrivée.

2- Pourquoi le gouvernement a-t-il finalement annulé son visa ?

La menace d’une expulsion de Novak Djokovic était dans l’air avant même qu’il n’arrive sur le sol australien. Alors qu’il n’avait pas encore atterri, le gouvernement australien a prévenu le tennisman dès le 5 janvier que « toute personne qui souhaite entrer en Australie doit se conformer à nos exigences frontalières », selon le chef du gouvernement Scott Morrison. Et d’ajouter : « Si Novak Djokovic n’est pas vacciné, il doit montrer des preuves acceptables qu’il ne peut pas l’être pour des raisons médicales. Ainsi, nous attendons les preuves qu’il nous fournira, et si celles-ci ne sont pas suffisantes, il ne sera pas traité différemment et on le renverra par le prochain avion. »

La justice australienne a d’abord donné tort à l’exécutif en suspendant l’expulsion du n°1 mondial du tennis masculin et en rétablissant sa liberté de circulation en Australie. Mais c’était sans compter sur l’arme législative ultime dont dispose le gouvernement, et brandie vendredi 14 janvier : Alex Hawke, ministre australien de l’Immigration, a fait appel à son « pouvoir personnel d’annulation » d’un visa, en vertu de l’article 133C (3) de la loi sur les migrations.

« J’ai exercé aujourd’hui (vendredi ce) pouvoir (…) d’annuler le visa détenu par M. Novak Djokovic pour des raisons de santé et de bon ordre, au motif qu’il était dans l’intérêt public de le faire », indique le communiqué du ministère australien de l’Immigration. Selon Alex Hawke aussi, la présence de Novak Djokovic en Australie « pourrait encourager le sentiment anti-vaccination ».

Le tennisman s’était déclaré opposé à la vaccination, en avril 2020, lors d’un direct sur Facebook avec d’autres athlètes serbes : « Personnellement, je suis opposé à la vaccination, et je ne voudrais pas être forcé par quelqu’un à prendre un vaccin pour pouvoir voyager », avait-il déclaré. « Mais si cela devient obligatoire, que se passera-t-il ? Je devrai prendre une décision. J’ai mes propres pensées sur la question, quant à savoir si ces pensées changeront à un moment donné, je ne le sais pas. »

Le Premier ministre australien, Scott Morrison, a quant à lui défendu une approche visant à protéger l’Australie en temps de pandémie de Covid-19 : « Les Australiens ont fait de nombreux sacrifices pendant cette pandémie et souhaitent à juste titre que le résultat de ces sacrifices soit protégé ».

Une nouvelle audience judiciaire a eu lieu après cette décision, vendredi. L’avocat de Novak Djokovic, Nick Wood, a alors fait valoir que la décision d’annuler une deuxième fois le visa de Novak Djokovic était « manifestement irrationnelle », estimant qu’il s’agissait d’une « approche radicalement nouvelle » – par rapport à la première expulsion avortée –  du gouvernement fédéral pour expulser le tennisman d’Australie. Une Cour fédérale doit examiner le recours de la défense contre cette deuxième expulsion dimanche.

3- Quelle est la réaction de l’opinion publique australienne ?

Le sentiment d’un « deux poids, deux mesures » est partagé en Australie depuis le début de l’affaire. L’octroi d’une « dérogation médicale » à Novak Djokovic a été dès le départ un sujet d’indignation dans un pays ayant été l’un des plus touchés par les restrictions sanitaires depuis le début de la pandémie de Covid-19, début 2020. L’Australie n’a rouvert ses frontières que début novembre 2021, après plus d’un an et demi de fermeture aux étrangers et aux citoyens australiens. Melbourne, où doit se dérouler l’Open d’Australie, est par ailleurs la ville qui a connu le confinement le plus long du monde : 262 jours au total.

« Cette annonce (de l’obtention d’une dérogation, NDLR) a suscité un tollé en Australie », comme l’a expliqué le 6 janvier Grégory Plesse, correspondant de France 24 à Sydney. La presse australienne a, dans sa grande majorité, fait part de sa « honte » pour parler du cas de Novak Djokovic à son arrivée dans le pays. « Ici, on a fait tout ce que l’on devait faire, 95 % des gens sont vaccinés, on a respecté les règles, on n’a pas pu voir nos familles à l’étranger. Et là, voilà M. Djokovic et les règles sont changées pour lui », s’est indignée par exemple une Australienne interrogée par RTL.

L’indignation à l’encontre de « Nole » a même été poussée à son extrême avec une séquence télé où deux journalistes présentateurs de la chaîne australienne Channel 7, se croyant hors antenne et micros coupés, l’ont traité cette semaine de « menteur » face caméra.

4- Le tennisman a-t-il menti dans cette affaire ?

Les déclarations de Novak Djokovic, les preuves de ses avocats fournies à la justice australienne et ses publications sur les réseaux sociaux ont été passées au peigne fin par plusieurs médias durant la semaine. Le 8 janvier, quand le tennisman est encore placé en rétention, ses avocats indiquent à la justice qu’il a obtenu une exemption de vaccination car il a été testé positif à un test PCR le 16 décembre dernier.

Le 11 janvier, le journal allemand Der Spiegel émet un doute sur la datation de ce test. « Les données numériques suggèrent que les résultats des tests ne datent pas du tout du 16 décembre. Dans les résultats numériques, il y a un horodatage de 14 h 21, heure serbe, le 26 décembre », peut-on lire dans l’hebdomadaire. Une zone d’ombre demeure aujourd’hui encore sur l’authenticité de ce test.

Toujours est-il que dans la chronologie assumée par le n°1 mondial du tennis masculin, il assiste le 16 décembre au lancement d’un timbre à son effigie en Serbie. Le lendemain, il participe à une rencontre avec des jeunes joueurs de tennis à qui il remet des trophées en intérieur, sans masque. Le 18 décembre, il rencontre un journaliste et un photographe du quotidien français L’Équipe pour une interview lors de laquelle il est toujours masqué, sauf pour la séance photo.

Les critiques ont rapidement porté sur le fait que Novak Djokovic aurait pu contaminer d’autres personnes en poursuivant ses activités alors qu’il était positif au Covid-19. Le tennisman s’est défendu de ces accusations et s’est justifié, le 12 janvier, face à ce qu’il a qualifié de « désinformation ».

« Je tiens à souligner que j’ai fait de mon mieux pour m’assurer de la sécurité de tout le monde et de ma conformité aux obligations de test », a-t-il déclaré. Concernant sa rencontre avec de jeunes tennismen serbes, Novak Djokovic assure avoir effectué avant de les rencontrer un test antigénique au résultat négatif. « Je n’avais pas de symptôme, je me sentais bien et je n’avais pas reçu la notification du PCR positif avant la fin de cet événement », a-t-il assuré.

Il savait en revanche qu’il était positif au moment de donner son interview à L’Equipe. « Je me suis senti obligé (…) car je ne voulais pas laisser tomber le journaliste, mais j’ai veillé à respecter la distanciation sociale et à porter un masque, sauf lorsque mon portrait photo a été fait », dit-il. Le Serbe reconnaît « une erreur de jugement » et admet qu’il aurait « dû reporter cet engagement. »

5- Que va-t-il se passer dimanche, veille de l’Open d’Australie ?

Novak Djokovic a de nouveau été placé en rétention au Park Hotel dans la banlieue de Melbourne, samedi 15 janvier, dans l’attente que son sort soit définitivement tranché lors d’une audience en référé, dimanche, devant une Cour fédérale.

Dans ses conclusions déposées samedi devant la Cour, le ministre australien de l’Immigration Alex Hawke a soutenu que la présence de Novak Djokovic dans le pays « est susceptible de représenter un risque sanitaire pour la communauté australienne », encourageant « le sentiment anti-vaccination » et pouvant même « entraîner une recrudescence des troubles civils ».

La Cour, qui va se réunir la veille du début de l’Open d’Australie, aura deux possibilités. Elle peut donner raison – hypothèse la plus probable – à l’exécutif australien, qui a décidé de recourir à une disposition légale discrétionnaire pour obtenir l’expulsion de Novak Djokovic. Dans ce cas, le tennisman pourrait aussi voir son expulsion assortie d’une interdiction d’entrée en Australie pendant trois ans.

Autre possibilité : la Cour annule une deuxième fois en une semaine l’expulsion de Novak Djokovic, et ce dernier pourrait alors participer à l’Open d’Australie dès lundi. Le n°1 mondial a d’ailleurs été intégré, le 13 janvier, au tableau de la compétition dans l’hypothèse où il pourrait y participer. Le joueur de 34 ans brigue une 10e victoire dans ce tournoi, laquelle constituerait un 21e titre en Grand Chelem, record absolu.

Mais dans ce cas-là, les relations du Serbe avec les autres tennismen et le public pourraient être des plus fraîches. L’un de ses grands rivaux, Rafael Nadal, a notamment déclaré samedi que « l’Open d’Australie est bien plus important que n’importe quel joueur ».

Avec AFP

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