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Au Pérou, la condamnation d’un journaliste pour diffamation suscite l’indignation

Quatre jours après la condamnation d’un journaliste et de l’éditeur de son livre à deux ans de prison avec sursis, lundi 10 janvier, pour la biographie non autorisée de l’homme politique César Acuña – entrepreneur péruvien deux fois candidat à l’élection présidentielle –, l’indignation ne retombe pas au Pérou. Les associations de journalistes ont unanimement dénoncé un « précédent néfaste et historique contre la liberté d’expression ».

Accusé de « diffamation aggravée », Christopher Acosta, journaliste d’investigation reconnu, et son éditeur, Jeronimo Pimentel, directeur pour le Pérou de la maison d’édition Penguin Random House, ont également été condamnés à verser une réparation de près de 400 000 soles (environ 90 000 euros).

Le juge Raul Jesus Vega a estimé que 30 phrases contenues dans l’ouvrage Plata como cancha (qui pourrait se traduire par « de l’argent comme s’il en pleuvait ») – des citations de tierces personnes pour la plupart –, représentent un « délit contre l’honneur » et attentent à la dignité du plaignant. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le musellement de la presse. L’ONG Proética du réseau Transparency International a considéré que ce jugement « cherche à intimider le journalisme d’investigation ». Les ambassades américaine et britannique se sont jointes aux critiques, tout comme une dizaine de députés.

« Un système de justice parallèle »

Dans son livre paru en février 2021, dont le titre est une citation de César Acuña, prononcée lors de sa campagne pour sa réélection à la mairie de Trujillo (nord) en 2010, lorsqu’il promettait qu’une fois élu l’argent foisonnerait pour ses partisans, le journaliste ambitionne de dévoiler, à travers témoignages et documents judiciaires, les zones d’ombre du parcours d’un des hommes d’affaires les plus influents du Pérou, et l’origine de sa fortune.

Fondateur en 2001 du parti Alliance pour le progrès (droite) qui compte 15 députés au Congrès, César Acuña est à la tête d’un capital estimé à plusieurs dizaines de millions de dollars et des revenus annuels de plus de 16 millions (selon sa propre déclaration pour la présidentielle de 2016). Il est le fondateur de trois universités, d’un club de football, et détenteur d’une vingtaine de biens immobiliers. Il a été par le passé député (2000-2006), maire (2006-2014) et gouverneur (2015) dans le nord du pays. Il fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires pour enrichissement illicite et blanchiment d’argent.

Dans le prologue de son livre, M. Acosta écrit : « Si César Acuña n’était pas riche, il serait très probablement en prison. Seule sa fortune lui a permis de créer un système de justice parallèle, où les millions compensent ses abus et font taire les plaignants. »

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