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Au Cameroun, « toi, tu viens prendre le vaccin de la CAN ? »

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Devant le centre de vaccination international de Yaoundé, mardi 11 janvier 2021. PIERRE LEPIDI

Il est 10 heures du matin et déjà sept personnes sont dans la file d’attente. Mardi 11 janvier, à l’avant-veille du deuxième match du Cameroun en Coupe d’Afrique des nations (CAN), face à l’Ethiopie, le centre de vaccination international de Yaoundé ne désemplit pas.

« Je suis venu aujourd’hui car je veux aller voir le match, explique Jérôme, 22 ans. Jusqu’à la finale, je veux supporter les Lions dans les tribunes ! Avant, je n’avais pas la volonté et ne voyais pas l’efficacité du vaccin. J’avais aussi un peu peur de la réaction des gars du quartier. »

Sous la pression des clubs européens qui ne souhaitaient pas « libérer » leurs joueurs africains à cause de la propagation du variant Omicron, la Confédération africaine de football (CAF) a imposé que chaque spectateur présente une attestation de vaccination en plus d’un test PCR négatif de moins de 72 heures.

A l’entrée des stades, plusieurs contrôles sont effectués par de jeunes bénévoles encadrés par des forces de l’ordre. Une jauge de 60 % de spectateurs (80 % pour les matchs du Cameroun) est aussi appliquée.

« Un effet catalyseur et accélérateur »

« Le but de toutes ces mesures est de faire en sorte que l’événement ne devienne pas un cluster mais une opportunité pour tester le maximum de personnes et inciter à la vaccination », explique le professeur Yap Boum, représentant régional d’Epicentre, la branche Recherche et épidémiologie de Médecins sans frontières (MSF). « Dans un pays où le taux de vaccination était de 6,7 % [nombre de personnes éligibles ayant reçu une dose], la compétition va avoir un effet catalyseur et accélérateur évident », ajoute-t-il.

« Le vaccin a toujours été disponible pour les Camerounais. Mais depuis le début de la compétition, on constate un engouement très important, confirme le docteur Yann Emmanuel Ntsobe Njoh Bolo Bolo, chef du centre de vaccination internationale de Yaoundé. Il y a quelques semaines, nous faisions entre 120 et 150 doses par jour. Le week-end dernier, avant le premier match des Lions indomptables [qui s’est soldé par une victoire 2-1 face au Burkina Faso], nous étions à 2 500 injections. Alors que, jusque-là, l’acceptabilité du vaccin posait problème notamment à cause des fake news. »

Si la CAN semble avoir un impact sur la campagne vaccinale à Yaoundé, où sont joués tous les matchs de la sélection camerounaise, il n’en va pas de même partout. Hors de la capitale, après quasiment une semaine de compétition, on constate qu’il y a très peu de spectateurs dans les tribunes, certains matchs se déroulant même dans des enceintes quasiment vides.

Les réticences qui persistent face au vaccin peuvent-elles expliquer ce manque d’ambiance dans les stades du Cameroun, un pays où le football fait pourtant partie du quotidien ? Il est fréquent d’entendre les Camerounais s’inquiéter que le produit injecté rende « stérile » ou qu’il « a été fait pour tuer les Africains ».

« Ils choisissent Johnson & Johnson »

Avec près de 110 000 cas de contamination et 1 850 décès depuis le début de la pandémie, le Cameroun est l’un des pays de la sous-région les plus touchés par la Covid-19, « même s’il ne compte qu’un faible nombre de cas sévères et de décès », reconnaît Yap Boum.

Au centre de vaccination internationale de Yaoundé, les candidats doivent se faire enregistrer par la cheffe du bureau, Véronique Sanda. Cette dernière propose plusieurs types de vaccins. « Dans 70 ou 80 % des cas, ils choisissent Johnson & Johnson, car celui-ci ne nécessite qu’une seule dose… Ici, l’affluence a commencé à augmenter près de deux semaines avant le début de la compétition, explique t-elle. A chaque fois, je dis aux jeunes : Toi, tu viens prendre le vaccin de la CAN ? Ça permet de les détendre un peu car, parfois, ils sont stressés à cause des sottises qu’ils voient sur les réseaux sociaux. »

Mais il n’y a pas que le football qui incite les Camerounais de Yaoundé à se faire vacciner. Yannick, 26 ans, doit prochainement voyager en Italie et « le vaccin est indispensable pour monter dans l’avion ». Donald, 21 ans, est censé assister dans quelques jours « à une réunion de travail très importante pour laquelle tous les participants devront avoir reçu leur injection ». Quant à Joséphine, 22 ans, elle est là aujourd’hui parce qu’elle veut se rendre « à une cérémonie religieuse pour laquelle le vaccin est obligatoire ».

Alors que de faux certificats sont désormais facilement accessibles, les mesures incitatives de la CAN auront-elles un réel impact sur le taux de vaccination à l’échelle du Cameroun ? Certains, comme Véronique Saada, veulent y croire : « Les gens voient que leurs parents, leurs voisins ou leurs amis qui se sont fait vacciner n’ont eu aucun problème. Du coup, ils viennent davantage nous voir », souligne-t-elle.

Jérôme, qui vient de se faire piquer, se voit suggérer de prendre du paracétamol dans la soirée en cas de maux de tête. « C’est rapide et ça ne fait pas mal, assure le jeune supporteur. Maintenant, je peux aller encourager mon équipe : allez les Lions ! »

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