Tribune. La possibilité d’une alliance sino-russe est souvent minimisée. Les deux pays avaient une entente négative, manifestée par des veto à l’ONU, et une même aversion pour les « révolutions de couleur ». Leurs échanges – gaz, armements russes et biens de consommation chinois – n’excluaient pas la méfiance russe et un certain mépris chinois pour l’ex-grand frère. La Chine n’engage son armée que de façon ponctuelle. Vladimir Poutine projette la sienne de la Géorgie au Donbass, à la Syrie et au Kazakhstan.
Cette situation évolue sous nos yeux. Essentiellement parce que les États-Unis tiennent la promesse, faite depuis Obama, d’un basculement de leurs forces vers l’Asie orientale. Ils y sont épaulés par leurs alliés ou partenaires régionaux, inquiets de l’agressivité chinoise. Tout comme les sanctions occidentales, après la Crimée, ont rendu la Russie de Poutine plus dépendante de Pékin, la Chine de Xi Jinping peut s’inquiéter des risques d’un isolement diplomatique croissant. Transformer ce qui était un front du refus diplomatique avec la Russie en alliance de revers, ou simplement présenter aux Etats-Unis et à leurs alliés le risque de deux conflits simultanés – par exemple en Ukraine et à Taïwan – est tentant pour Pékin. Pour la première fois depuis longtemps, la Chine a peut-être autant besoin de la Russie que celle-ci de la Chine. C’est un élément qui retient certainement l’attention de Vladimir Poutine.
Après avoir massé ses troupes à la frontière de l’Ukraine, la Russie communiquait à la mi-décembre aux États-Unis la liste des « garanties de sécurité » qu’elle exige. Poutine tenait avec Xi une rencontre virtuelle. En rapportant cet entretien, chacune des parties mettait en scène le soutien de l’autre. Le communiqué chinois note que « la Russie sera le plus résolu défenseur de la position chinoise sur les questions liées à Taïwan » et qu’elle « s’oppose à tout “petit groupe” en Asie-Pacifique », c’est-à-dire l’alliance Australie-Royaume-Uni-États-Unis (Aukus) et le « Quad indopacifique » (États-Unis, Inde, Australie, Japon). Le porte-parole russe indique que « Xi a offert de soutenir M. Poutine dans son effort pour obtenir des garanties de sécurité légalement contraignantes des Occidentaux ».
Bien sûr, ces expressions de la volonté de défendre leurs intérêts de sécurité mutuels seraient plus convaincantes encore si elles s’exprimaient dans un seul et même communiqué. Décrypter ce genre de textes est toujours révélateur. Dans le compte-rendu chinois, Xi félicite Poutine pour avoir résisté aux incitations à « semer la discorde » entre Pékin et Moscou. Cela sonne comme une mise en garde et révèle qu’un triangle stratégique Washington-Moscou-Pékin ne serait pas du goût de la Chine. Derrière le chatoiement des mots, on sait la Chine souvent médusée des initiatives militaires russes. Et il est clair que dans la posture de défi de Poutine existe la frustration de n’être qu’une considération secondaire pour les deux supers grands du XXIe siècle, les Etats-Unis et la Chine.
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