La politique agricole « post-Brexit » du gouvernement de Boris Johnson suscite de plus en plus d’inquiétudes chez les parlementaires britanniques et dans les milieux agricoles, confrontés au plus grand bouleversement qu’ait connu leur secteur en cinquante ans. Le 6 janvier, le ministère de l’environnement et de l’agriculture, Defra (pour Department for Environment, Food and Rural Affairs), a enfin précisé ses « ambitions climatiques et environnementales » pour le système de subventions censé remplacer la politique agricole commune (PAC) très progressivement à partir de 2022 (mais définitivement à partir de 2024).
Ce système consiste en trois schémas d’aides : une aide à la « reconstitution des espaces naturels locaux », pour replanter massivement des arbres, restaurer les zones humides et les tourbières ; une aide à la « restauration du paysage » pour soutenir les agriculteurs et propriétaires terriens prêts à des actions à large échelle de restauration des écosystèmes ; enfin, l’aide à « l’agriculture durable » doit soutenir les exploitations réduisant l’usage des pesticides, améliorant la biodiversité ou séquestrant leurs émissions de dioxyde de carbone.
L’objectif est d’en finir avec les subventions directes de la PAC, indexées sur les surfaces exploitées et accusées de favoriser l’agriculture intensive. Désormais, les fonds publics (environ 2,3 milliards de livres sterling annuels) n’iront plus qu’à l’entretien et à l’amélioration de « biens publics » (cours d’eau, espaces forestiers, haies, etc.). « L’agriculture en Angleterre va s’éloigner du système basé sur les surfaces et de la bureaucratie ayant caractérisé l’appartenance à l’UE. Place à des schémas reconnaissant enfin les efforts des exploitants, les vrais gardiens de notre environnement », insiste le Defra.
Virage vers un système de subventions entièrement vert
D’ici à 2024, le ministère veut financer « au moins » dix projets de restauration du paysage, couvrant a minima 20 000 hectares. D’ici à 2030, 60 % des terres agricoles devront être exploitées de manière durable. Et d’ici à 2050, les surfaces de tourbières (très efficaces pour piéger le CO2) devraient occuper 200 000 hectares en Angleterre. Ce virage vers un système de subventions à entièrement vert n’est pas du tout infondé. « Une espèce d’oiseau sur quatre au Royaume-Uni se trouve sur la liste rouge des espèces menacées, 26 % des mammifères risquent l’extinction. Seuls 14 % des cours d’eau sont propres, essentiellement à cause de la pollution agricole », rappelle l’ONG Green Alliance. La surface forestière a certes triplé depuis les années 1900, pour s’établir à 13 % du territoire national, mais « la moitié des plantations ne sont pas assez diversifiées », déplore l’association caritative Woodland Trust.
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