Inaugurée le 9 mai dernier à Strasbourg, la Conférence sur l’avenir de l’Europe entre dans une nouvelle phase : les propositions et recommandations des citoyens européens seront bientôt remises. Une nouvelle étape de cette consultation publique citoyenne de l‘après-Covid, dont les conclusions seront publiées au printemps, qui leur aura permis d’exprimer leurs attentes et de se confronter aux nouveaux défis des 27 dans les prochaines années.
L’idée avait été formulée dès le mois de mars 2019 dans une tribune du président français, Emmanuel Macron, publiée par une vingtaine de journaux appelant à une renaissance européenne. « Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent : ‘Où est l’Europe ? Que fait l’Europe ?’. Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet », avait-il alors développé pour expliquer la démarche. L’occasion aussi de rappeler les difficultés politiques rencontrées par l’Union européenne depuis 2008 : les crises économique, grecque, migratoire et, plus récemment, le Brexit, un « piège », selon le chef de l’État qui, comme le repli nationaliste « menace toute l’Europe ».
Une plateforme numérique multilingue
Deux ans auront finalement été nécessaires pour concrétiser le projet. Reportée en raison de la crise sanitaire, la Conférence sur l’avenir de l’Europe a depuis atteint sa vitesse de croisière malgré les vagues de Covid qui continuent d’avoir un impact sur les désormais 27 pays de l’Union européenne.
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Officiellement lancée le 9 mai 2021, la Conférence sur l’avenir de l’Europe se présente comme un exercice de démocratie participative assez rare, qui devrait présenter ses conclusions au printemps. Un temps évoquée, l’idée d’une prolongation de l’exercice a pour l’heure été repoussée. Les trois institutions, (Commission, Parlement et Conseil européen), qui accompagnent le projet souhaiteraient pour l’instant que le calendrier fixé soit pleinement respecté.
L’objectif est simple : donner aux citoyens des 27 États membres la possibilité de faire entendre leur voix et d’exprimer leurs attentes vis-à-vis de l’Union. « Un exercice inédit » affirmait le président français, en mai dernier, dans l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg, la possibilité surtout de « prendre le pouls du continent et d’envisager notre avenir ».
Pour ce faire, l’exercice s’est déployé aussi bien au niveau européen que national dans les pays de l’Union qui le souhaitaient. Cette conférence « ne doit pas rester un exercice centré à Bruxelles », avait rappelé le Premier ministre portugais, Antonio Costa, alors que son pays avait hérité de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne.
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Pendant plusieurs mois, des débats, des conférences et des évènements sur l’avenir de l’Europe ont ainsi été organisés dans les pays membres de l’Union. En France, par exemple, l’exercice a suscité un réel intérêt. Près d’un millier de personnes ont fait part de leurs attentes envers l’Europe lors de débats organisés dans les 18 régions du territoire, le temps d’un week-end, en septembre. Une consultation en ligne a aussi été menée auprès de 50 000 jeunes français. Des propositions issues de ces débats seront d’ailleurs remises au cours de la présidence française du Conseil européen qui prendra fin le 30 juin.
« La réforme des traités ne peut as être un tabou », David Sassoli lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, le 9 mai 2021. EU/Etienne Ansotte – Etienne Ansotte
Plus généralement, les citoyens des 27 ont pu exprimer leurs attentes sur une plateforme numérique européenne et multilingue dédiée futureu.europa.eu. Une opportunité de débattre des priorités de l’Europe et des défis auxquels elle est confrontée avec plus de 4 600 évènements organisés et plus de 12 000 idées proposées.
Le rôle central des quatre panels de citoyens
Depuis le mois de septembre, des panels de citoyens ont, par ailleurs, été organisés pour débattre des grands thèmes européens et présenter leurs propositions. Ces panels, au nombre de 4, (voir encadré) sont constitués de 200 citoyens chacun, choisis de manière aléatoire dans chacun des pays membres. Ils se veulent représentatifs de la population européenne en terme de genre, d’origine géographique, socio-économique ou même de niveau d’éducation. Un tiers de chaque panel est composé de jeunes (de 16 à 25 ans). Chacun des 4 panels doit encore se réunir une fois avant les dépôts de recommandation.
Quelque 800 participants à la Conférence sur l’avenir de l’Europe sont répartis en quatre panels.
Le panel 1 traite de l’avenir de l’économie, de l’emploi et de la justice sociale sans oublier la transformation numérique. Il traite aussi de l’avenir de l’UE dans les domaines de la jeunesse, du sport, de la culture et de l’éducation.
Le panel 2 se penche sur les thèmes liés à la démocratie (élections, participation citoyenne, la liberté des médias et la lutte contre la désinformation). Il aborde les questions liées aux droits fondamentaux, à l’état de droit et à la lutte contre les discriminations. La protection des Européens contre les actes de terrorisme fait aussi partie des thématiques abordées.
Le panel 3 est lié aux effets du changement climatique, aux questions environnementales et aux nouveaux défis sanitaires pour l’Union européenne. Le panel traite aussi bien de l’agriculture, des transports, de l’énergie et la transition vers des sociétés post-carbone, que des systèmes de santé et des réponses aux crises sanitaires de type Covid-19.
Le panel 4 porte sur le rôle de l’Union européenne dans le monde, y compris les objectifs et les stratégies pour la sécurité de l’UE, la défense, la politique commerciale, la politique étrangère, l’aide humanitaire et la coopération au développement, la politique de voisinage et l’élargissement de l’Union. Il traite également de la manière dont l’UE devrait faire face aux migrations.
Les citoyens sélectionnés se sont retrouvés à plusieurs reprises au sein de leurs panels respectifs (en présentiel ou en formule hybride numérique). Ils ont pu se pencher sur chacune des thématiques au sein de groupes de travail pour y faire des recommandations à l’Assemblée plénière, afin qu’elles puissent faire -comme les contributions publiées sur la plateforme numérique futureu.europa.eu– l’objet d’un débat.
L’Assemblée plénière pour délibérer
Sur le papier, rien n’est interdit. « Tout doit être possible » avait souligné le président du Parlement européen, David Sassoli, à Strasbourg, le 9 mai dernier, suggérant plusieurs pistes de réflexion comme la remise en question de la règle de l’unanimité au Conseil où siègent les États membres. Certaines recommandations pourraient entrer dans le champ des compétences européennes, d’autres pourraient peut-être nécessiter une réforme des traités, « qui ne peut être un tabou », selon le président du Parlement européen. Un avis partagé par le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz et par Emmanuel Macron.
La plénière réunit 20 membres de chacun des 4 panels ainsi que des représentants des institutions européennes (voir encadré). C’est cette plénière qui adoptera, au printemps, le rapport final par consensus avant de le présenter au comité exécutif (composé de neuf membres, trois par institution, ainsi que de quatre “observateurs”).
L’Assemblée plénière de la Conférence est composée en tout de 433 membre : 108 représentants du Parlement européen, 54 du Conseil, 3 de la Commission européenne et 108 des parlements nationaux, ainsi que de 108 citoyens dont 80 représentants des panels de citoyens européens (20 par panel), 27 représentants (un par État membre) des panels de citoyens nationaux ou des événements organisés dans le cadre de la Conférence et le président du Forum européen de la jeunesse. Parmi les participants également : 18 représentants du Comité des régions et 18 du Comité économique et social, 6 représentants élus provenant des collectivités régionales et 6 représentants élus provenant des collectivités locales, 12 représentants des partenaires sociaux et 8 de la société civile. Tous sont sur un pied d’égalité.
Les réunions de l’Assemblée plénière de la Conférence sont présidées par les trois coprésidents du conseil exécutif et se tiennent dans les locaux du Parlement européen à Strasbourg.
La prochaine Assemblée plénière doit se tenir les 21 et 22 janvier à Strasbourg. Les précédents débats ont pu être houleux, certains panélistes réunis ayant eu l’impression de ne pas avoir suffisamment voix au chapitre au sein de cette plénière avant d’être rassurés.
« Nous écouterons toutes les voix », Ursula von der Leyen lors de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, le 9 mai 2021. © European Union 2021 – Source : EP
Un reproche qui avait pu être soulevé dès le lancement de l’opération par certains observateurs, rappelant que les initiatives consistant à rapprocher les citoyens de l’Union (la Convention sur l’avenir de l’Europe, le référendum de 2005, le Dialogue Citoyen, les Consultations citoyennes sur l’avenir de l’Europe ou encore l’Initiative citoyenne européenne …) n’avaient pas forcément toujours tenu leurs promesses. L’argument avait été balayé par la présidente de la commission européenne Ursula Von der Leyen :
« Il y a toujours du scepticisme et du cynisme dès que l’Europe débat de son avenir ou lance un projet de cette nature. Nous veillerons à ce qu’il ne s’agisse pas d’un exercice de politique intellectuelle ou d’un compromis politique fermé. Nous devons être honnêtes et reconnaître que la conférence n’est pas une panacée ou une solution à tous les problèmes, et nous écouterons toutes les voix. »
Quelques mois plus tard, la Conférence sur l’avenir de l’Europe a suscité des vocations parmi les panélistes qui ont décidé de prendre le projet à bras le corps. Il a aussi créé des attentes au niveau européen. Ils étaient 76 %, selon les résultats d’un sondage Eurobaromètre publié en mars dernier, à considérer que le projet constituait un « progrès significatif pour la démocratie en Europe”. Des attentes qui obligent. Les conclusions de la Conférence, qui devraient être connues alors que la France assurera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne seront ensuite débattues au plus haut lieu. « Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger”, avait développé Emmanuel Macron dans une tribune, en mars dernier. Un an après, voilà les institutions à la croisée des chemins pour éviter l’éternel « Je t’aime moi non plus » entre l’Europe et ses citoyens.
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