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Le plan de Bercy pour éponger la « dette Covid » après 2033

C’est la seule stratégie qu’a trouvé Bercy pour traiter le sujet de la dette à court terme. Le ministre des Finances Bruno Le Maire veut isoler les déficits liés au Covid dans une structure spéciale. « Nous proposons de fixer un échéancier qui pourrait courir, par exemple, sur une vingtaine d’années, jusqu’en 2042. De la sorte, nous assurons que cette dette, mise à part parce que liée à des circonstances exceptionnelles, sera bien remboursée. » Une commission, présidée par l’ancien ministre des Finances Jean Arthuis, est même chargée de plancher d’ici à fin février sur les modalités de ce cantonnement, l’idée étant de commencer à payer l’addition une fois que la crise sera finie.

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Le scénario privilégié par le ministère des Finances et qu’il défend auprès de la commission Arthuis est, selon nos informations, de reporter le remboursement de la « dette Covid » de l’Etat, estimée à au moins 150 milliards d’euros, après 2033. Cette date n’a pas été choisie au hasard: à cette échéance, la dette de la Sécurité sociale devrait, en théorie, avoir été remboursée. Et les recettes fiscales utilisées par la Caisse d’amortissement de la dette sociale –quelque 17 milliards d’euros de CRDS et CSG en 2020-

pourraient alors être réaffectées à cette fin. Avantage: cela permettrait au gouvernement de tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts pour rembourser la « dette Covid ». Même si le prolongement d’un impôt, qui était censé disparaître, peut être considéré comme un alourdissement de la fiscalité, comme le soulignait récemment l’économiste Thomas Piketty.

La méconnue Caisse de la dette publique

Dans le détail, il reste toutefois plusieurs points à régler. Primo, cette réaffectation de recettes exigerait en réalité de créer un nouvel impôt pour remplacer la CRDS et la part de CSG, actuellement fléchées vers le remboursement de la dette de la Sécu. En effet, la CRDS doit légalement disparaître le jour où la dette de la Sécu sera totalement remboursée et la CSG est destinée à financer exclusivement les comptes sociaux. Secundo, le gouvernement doit encore déterminer l’organisme qui sera chargé d’amortir la « dette Covid » de l’Etat. A priori, il devrait activer la méconnue Caisse de la dette publique (CDP), un établissement public créé en 2003 dans le giron du ministère des Finances, qui a remboursé quelques dizaines de milliards d’euros de dette de l’Etat ces dernières années en utilisant l’argent des privatisations.

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« Les Français se demandent déjà comment l’Etat va rembourser la dette liée au Covid et craignent des hausses d’impôts, la cantonner permettra de les rassurer », estime le député LREM Laurent Saint-Martin, rapporteur du Budget. Le 26 décembre, sur France Culture, le Haut-commissaire au Plan, François Bayrou, a aussi défendu cette option: « On va faire comme lorsqu’un jeune couple achète une maison. On fait un différé d’amortissement. Cette dette, on la remboursera, mais on commencera à la rembourser dans huit ou dix ans, ce qui est à peu près le résultat auquel le gouvernement est arrivé. Et ensuite dans huit ou dix ans, on la remboursera sur un long terme, trente ans ou cinquante ans. Peu importe, ce qu’il faut, c’est que nous ayons un plan pour rembourser cette dette sans mettre à genoux l’économie du pays. »

Tour de passe-passe

Reste que ce « plan » postule que la dette de la Sécu ait été totalement remboursée d’ici à 2033. « Pour transférer les recettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale à la Caisse de la dette publique, il faudrait que la Sécu soit à l’équilibre, ce qui n’est pas la tendance actuelle, surtout avec les déficits prévus sur les retraites, reconnaît un haut fonctionnaire du ministère des Finances. Donc, le vrai sujet, c’est de dessiner une trajectoire de redressement général des comptes publics dans les prochaines décennies. » Au yeux de certains, cette tuyauterie budgétaire complexe ressemble aussi fort à un tour de passe-passe. « S’il s’agit in fine de transférer à la future caisse d’amortissement de la « dette Covid » des impôts qui auraient été sinon perçus par l’Etat ou la Sécurité sociale, cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul », peste François Ecalle, ex-magistrat de la Cour des comptes.

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