« Une chance qu’on ait gagné le référendum, mais si on l’avait perdu il aurait fallu faire avec, parce que moi je ne veux pas partir », explique Ghislain Santacroce, éleveur bovin à Bourail sur la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie.
La propriété de cet homme de 70 ans qui espère que ses deux fils reprendront un jour son exploitation, qui s’étend à Moindou, au sud de Bourail, est reconnaissable au grand drapeau tricolore qui claque au vent à l’entrée, visible depuis la route. Le plus grand du coin, dit-il.
Sa maison en haut d’une colline est tournée vers les terres. Derrière, on aperçoit le bleu turquoise du lagon. Quand on lui demande combien il possède de terres, M. Santacroce répond en plaisantant, « 1.500 hectares, plus par marée basse ».
« Avant j’étais à Thio, et j’ai tout perdu pendant les événements de 84-85. La maison de mes parents, c’est moi qui l’ai brûlée. Il valait mieux partir que de tuer ou d’être tué », raconte M. Santacroce en rappelant que son grand-père était arrivé en 1870 en tant que bagnard dans cette ville de la côte est.
Le drapeau français flotte à l’entrée de la propriété de l’éleveur bovin Ghislain Santacroce, à Moindou, sur la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie, le 17 décembre 2021 (AFP/Archives – Theo Rouby)
Quatre décennies ont passé, mais Ghislain Santacroce reste ému en le racontant.
A la suite de cet arrachement, l’éleveur a voyagé dans le monde, mais il est finalement revenu s’installer en Nouvelle-Calédonie, passant simplement de la côte est à la côte ouest. « Le plus beau pays, c’est le nôtre ». Il a démarré avec 600 hectares et s’est agrandi peu à peu. « A chaque fois qu’il y avait des événements, les gens vendaient ».
Le « stockman », le nom australien pour les éleveurs couramment utilisé sur le Caillou, élève également des cerfs, des animaux importés qui font des ravages sur la Grande terre.
« Je capture entre 800 et 1.000 cerfs par an », dit-il fièrement. Des animaux qu’il garde au pâturage avant de les envoyer à l’abattoir puis de les vendre à un grossiste alsacien spécialisé dans le gibier. Un élevage dangereux. « J’ai été +piqué+ (blessé) par un renne et j’ai pris 3 mois d’hôpital », raconte-t-il.
Dans la sellerie de la ferme, 10 selles chinées dans le monde entier, d’Arles au Texas, sont suspendues, mais c’est en buggy 4×4 qu’il se déplace le plus souvent sur l’exploitation et rassemble le bétail.
– « Foutus dehors » –
Chez Karl Heinz Creugnet, éleveur bovin sur 250 hectares à Boulouparis, les chevaux gardent encore une grande place, notamment via un élevage de chevaux de courses.
Sur la propriété de l’éleveur bovin Ghislain Santacroce, à Moindou, sur la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie, le 17 décembre 2021 (AFP/Archives – Theo Rouby)
« J’ai 57 ans, et depuis que je suis tout petit, on a toujours vécu avec cette épée au-dessus de nos têtes: l’indépendance, +vous allez être foutus dehors d’ici+ », raconte M. Creugnet.
« Je suis avant tout Calédonien, je suis Français en deuxième position et ma place, elle est ici », explique M. Creugnet, dont le fils Julien « donne la main sur l’exploitation ».
Après le cyclone Ruby, passé sur le Caillou deux jours après que le référendum d’autodétermination a été remporté par les pro-France, la famille Creugnet a eu fort à faire pour relever toutes les clôtures arrachées par les fortes pluies.
Les deux pieds dans la rivière, un chapeau sur la tête pour se protéger du soleil ardent, les membres de la famille démêlent les écheveaux de fil de fer barbelé pris dans les branches. Huit bouviers australiens s’ébattent dans l’eau autour des hommes au travail.
Le drapeau français flotte à l’entrée de la propriété de l’éleveur bovin Ghislain Santacroce, à Moindou, sur la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie, le 17 décembre 2021 (AFP/Archives – Theo Rouby)
Comme beaucoup d’Européens installés sur la côte ouest et surnommés « Caldoches » dans l’île, M. Creugnet a une longue histoire avec la Nouvelle-Calédonie: « Mon arrière-arrière-grand-mère a débarqué à la plage de Bouraké, avec un sac dans le dos et un numéro de lot qu’elle s’est débrouillée à exploiter ».
« Je me considère aujourd’hui à égalité avec les Kanaks: ils ont leur place et nous on a la nôtre aussi et il faut qu’on arrête de se regarder en chien de fusil, de se taper dessus, aujourd’hui on a un pays à construire », assure M. Creugnet qui estime que le principal est de renforcer l’économie.
« Il faut que notre économie soit riche pour pouvoir parler d’indépendance et qu’on arrête de faire de la politique politicienne », conclut-il.
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