Capitaine de l’Algérie durant la campagne victorieuse de 2019, Riyad Mahrez débarque au Cameroun avec la ferme intention de réaliser un doublé historique. L’artiste du ballon rond a pourtant connu un parcours atypique et une éclosion tardive avant d’arriver au sommet.
Avoir un stade baptisé en son nom est plutôt rare de son vivant. Pourtant, au centre sportif Nelson Mandela de Sarcelles, dans le nord de la banlieue parisienne, un terrain porte bel et bien le nom de l’un des enfants chéris de la ville : Riyad Mahrez, star de Manchester City et capitaine de l’Algérie qu’il a emmenée sur le toit de l’Afrique en 2019.
Cependant, la carrière du milieu offensif n’entre dans aucune case. Atypique, il n’est jamais passé par le centre de formation d’un grand club malgré son immense talent.
En réalité « une seule personne y a cru, c’est Riyad lui-même », résume à l’AFP Hayel Mbemba, ancien coéquipier à l’AAS Sarcelles, le club où l’international algérien a appris son football. « Il a une force de caractère au-dessus de la moyenne », assure son ami.
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« Je ne sais pas comment mais je vais jouer la Coupe du monde au Brésil »
Pour Mahrez, l’histoire commence donc dans ce club de la banlieue parisienne qu’il rejoint à l’âge de 12 ans. Jeune adolescent, le petit Riyad a beau s’adonner à son loisir des heures entières, des pelouses aux terrains vagues en passant par les city-stades du quartier des Sablons, il n’est qu’un joueur quelconque aux yeux des recruteurs. Certes, il possède une maîtrise technique au-dessus de la moyenne mais ce seul atout ne saurait suffire dans le plus grand bassin de jeunes talents d’Europe. De plus, il est desservi par un physique chétif, qui rebute les clubs.
« Au départ, sa technique lui permettait de s’en sortir. Mais quand il est passé au football à onze, ça a été plus compliqué pour lui, car il était en retard morphologiquement entre douze et seize ans. Il était petit et n’avait pas l’impact physique requis. À cause de cela, cela a été un peu difficile pour lui pendant trois, quatre ans. Il évoluait en équipe réserve. À l’époque, il y avait les championnats des 14 ans fédéraux, soit le niveau le plus haut dans cette catégorie d’âge. Grâce à cette grande visibilité, des joueurs ont pu intégrer des clubs professionnels. Lui, en revanche, était vraiment dans l’ombre », se souvient Mohamed Coulibaly ,directeur technique de l’AAS Sarcelles, interrogé par SoFoot.
Dans l’adversité, Riyad Mahrez persiste. À l’époque, il clame à qui veut l’entendre : « Je vais y arriver, je ne sais pas comment, mais je vais jouer la Coupe du monde au Brésil ». Ses éducateurs rétorquaient : « Tu n’arrives même pas à jouer à Sarcelles ! », raconte Mohamed Coulibaly à l’AFP.
Lors de la célébration du titre de champion, Riyad Mahrez a porté une paire spéciale « From Sarcelles to The Premier League ». 9⃣5⃣ pic.twitter.com/0iGIcYkCvs
— BeFoot (@_BeFoot) May 24, 2021
Une confiance en lui qui finit par payer. À mesure qu’approche sa majorité, Riyad Mahrez s’étoffe enfin physiquement. Il finit par intégrer l’équipe première de Sarcelles et se révèle à force d’inscrire buts et coups francs importants en promotion d’honneur, l’équivalent de la 8e division française. Parallèlement, l’adolescent n’a pas renoncé à son rêve de percer comme professionnel. Il saute régulièrement dans un avion ou un train pour effectuer des essais un peu partout en Europe.
En 2009, à 18 ans, on lui donne enfin sa chance. Il signe à Quimper, en Bretagne, où il évolue un an en CFA (4e division) et apprend les ficelles du métier de footballeur. Le début d’une ascension régulière. L’année suivante, il rejoint Le Havre. Dans le club normand, il passe rapidement de la réserve qui joue en CFA à l’équipe professionnelle disputant le championnat de Ligue 2.
Après quatre années en Normandie, Riyad Mahrez part tenter l’aventure anglaise avec Leicester. Un choix qui n’a rien d’évident, puisque le club évolue alors en Championship, la deuxième division anglaise. Au départ, le joueur est « hésitant ». Il « sollicite l’avis de ses amis à Sarcelles et finit par se convaincre d’y aller », confie son entourage.
Un bon choix, où le jeune Franco-Algérien écrit sa légende : Leicester monte en Premier League l’année suivante et il fait partie de l’épopée 2016, qui conduit les « modestes » Foxes jusqu’au titre de champion d’Angleterre, au nez et à la barbe des grands clubs du pays.
Dans la foulée, il signe parmi les superstars de Manchester City en 2018, décroche de nouveaux titres de champion en 2019 et 2021, et dispute la finale de la Ligue des champions en 2021.
Indiscutable en Algérie
Possédant la double nationalité franco-algérienne, Riyad Mahrez choisit de représenter l’Algérie, le pays d’origine de ses parents. Il est convoqué en mai 2014 à l’âge de 23 ans, à l’occasion du stage de préparation au Mondial. Il tape dans l’œil de Vahid Halilhodzic, le coach d’alors des Fennecs, qui l’emmène au Brésil. Le gamin qui se targuait de disputer le Mondial-2014 a atteint son rêve. Un rêve qui se double d’un parcours exemplaire : l’Algérie se qualifie pour les huitièmes de finale et tombe les armes à la main face à l’Allemagne, future championne du monde.
Un parcours et une abnégation qu’il a hérité d’un drame : « Je pense à mon père disparu il y a quelques années. Il doit me voir de là-haut et être fier. Tout ce que je fais, c’est aussi pour lui. Je sais que ça lui tenait à cœur que je perce dans le foot. J’aurais aimé qu’il soit là pour qu’on partage ça ensemble, mais c’est la vie. Quand on perd des proches, il faut avancer. Cela te rend plus fort », expliquait-il en 2015.
Avec l’Algérie également, il va gravir les échelons jusqu’à récupérer le brassard de capitaine et soulever le trophée de la CAN-2019 en Égypte. Une compétition qu’il marque de son empreinte. Homme du match en demi-finale, il est l’artisan de la victoire face au Nigeria avec un doublé, dont un coup franc magistral à la dernière minute.
Impliqué dans sa ville natale
Pour autant, malgré les succès et la célébrité, Riyad Mahrez n’a jamais oublié Sarcelles et le quartier des Sablons. Peu après ce succès à la CAN, l’édile de la ville l’a reçu à la mairie pour lui remettre la médaille de la ville, sous les yeux émus de sa mère.
« C’était tout naturel de le recevoir. On estime qu’il représente une réussite exemplaire et qu’il porte l’image de la ville. C’est pourquoi nous avons tenu à une reconnaissance institutionnelle pour lui dire que nous sommes officiellement fiers de son parcours qui montre à tous, et notamment aux jeunes, que l’espace des possibles est grand quand on s’en donne les moyens. Et puis il est vraiment resté un gars d’ici », explique Patrick Haddad.
Riyad Mahrez s’implique dans la vie de la communauté locale. Régulièrement, il invite des jeunes de l’AAS Sarcelles à Manchester pour assister à des matches de son club. Et, avec Steeve Yago, un autre footballeur professionnel natif de Sarcelles, il a payé des des lots pour les vainqueurs de la CAN des quartiers. Et dit espérer pouvoir faire d’autres choses pour les jeunes « dans le futur ».
Un futur qui passe par le Cameroun lors de la « vraie » CAN : avec les siens, Riyad Mahrez tentera de remporter un deuxième trophée consécutif alors que la sélection algérienne n’a plus perdu depuis 33 matches officiels.
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