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Un médecin algérien administre une dose de vaccin contre le Covid-19 devant la grande mosquée El-Kébir, à Alger, le 9 juillet 2021. RYAD KRAMDI / AFP
« Pour quoi faire ? » A la question de savoir s’il est vacciné ou non, Mounir hausse les épaules. Cet entrepreneur algérois de 33 ans a contracté le virus du Covid-19 « deux fois sans avoir aucune séquelle » et ne voit pas « l’utilité » de se faire injecter une dose de vaccin. Il est loin d’être le seul.
En Algérie, la campagne de vaccination lancée en février bute sur de nombreuses réticences. Le pays compte 6,7 millions de primo-vaccinés – soit environ 15 % de la population – et 5,5 millions de personnes ayant eu deux doses. Un résultat loin « des 20 à 25 millions » nécessaires à l’immunité collective visée à la fin décembre, a indiqué le professeur Ryad Mahyaoui, membre de la commission scientifique, à la radio algérienne le 20 décembre.
L’adhésion à la vaccination reste faible bien que le comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie alerte depuis plusieurs jours sur l’imminence d’une quatrième vague. Les contaminations sont en hausse avec près de 300 cas quotidiens ces derniers jours – un bilan officiel largement sous-estimé selon les médecins. La propagation du variant Omicron inquiète, alors que deux cas ont déjà été enregistrés dans le pays.
Pour parer à une nouvelle flambée épidémique, le gouvernement a annoncé samedi 25 décembre l’instauration par étapes du passe vaccinal. Le document sera désormais exigé pour entrer et sortir d’Algérie, mais également pour accéder à divers lieux comme les salles de sport, les cinémas ou les musées. Le gouvernement prévoit aussi l’intensification des opérations de vaccination des fonctionnaires ainsi que de certaines professions des secteurs des services et du commerce.
Raisons parfois « fantaisistes »
Encore faudra-t-il convaincre les Algériens de se rendre dans les centres de vaccination. A en croire plusieurs médecins, si une guerre a été perdue, c’est celle des réseaux sociaux. « Les informations erronées s’y transmettent plus vite que celles émanant de médecins ou de médias scientifiques », indique le docteur Athmane Ayaden, médecin anesthésiste-réanimateur dans un établissement public hospitalier de la région de Bouira, à l’est d’Alger.
Risque de stérilité, composition non halal des vaccins… La défiance des Algériens tient ainsi à des raisons parfois « fantaisistes », explique-t-il. Parmi les patients qu’il reçoit en consultation préopératoire, « seuls 1 à 2 % sont vaccinés ».
Les réticences touchent jusqu’aux personnels de santé, pour lesquels la vaccination n’est pas obligatoire. Le ministre de la santé, Abderrahmane Benbouzid, a révélé le 13 décembre que moins d’un tiers d’entre eux étaient vaccinés. « Il y a même des médecins vaccinateurs qui ont déconseillé aux citoyens de se faire vacciner. C’est malheureux parce qu’on a eu plus de 400 victimes parmi le personnel de santé » depuis le début de l’épidémie, a déploré le docteur Lyès Akhamouk, infectiologue, à la radio algérienne.
La troisième vague meurtrière qui a touché l’Algérie l’été 2021 avait pourtant provoqué une affluence importante vers les nombreux centres de vaccination déployés à travers le pays. L’importation de vaccins et l’entrée en production locale du vaccin chinois Sinovac avait permis de relancer la campagne, avec près de 260 000 personnes vaccinées par jour en septembre, selon les chiffres du comité scientifique. Désormais, le nombre de vaccinations quotidiennes stagne à 15 000, alors que le pays dispose de treize millions de doses stockées à l’Institut Pasteur d’Alger.
Grand relâchement
Sur le terrain, des organisations de la société civile se mobilisent pour sensibiliser la population. A Oran, dans l’ouest du pays, l’association Santé Sidi El Houari (SDH) a formé depuis cinq mois une cinquantaine de jeunes pour mener des campagnes d’information dans les quartiers populaires et sur les réseaux sociaux.
« Il a fallu faire un travail de fond sur les mentalités », explique Assia Brahimi, présidente de la SDH, qui dénonce elle aussi l’impact des fausses informations massivement relayées sur Internet et qui altèrent la communication officielle autour de la gestion de la pandémie.
En août 2020, une première étude avait été publiée à propos du comportement de la population d’Oran face à la pandémie. Les recherches conduites par Mohamed Mebtoul, sociologue et pionnier de l’anthropologie de la santé en Algérie, visaient à évaluer « la perception de la population par rapport aux messages reçus en matière de gestes barrières, de confinement, ses craintes et ses attentes », précise Assia Brahimi, dont l’association a participé à l’enquête.
« Il en est ressorti que les messages transmis par les autorités n’étaient pas clairs et que le discours n’était pas forcement adapté au public, explique la jeune femme, citant en exemple les communiqués des autorités en langues arabe classique, en français, ou encore en anglais qui ne parlent pas forcement à toute la population. »
Podcasts, colloques, kits visuels, pièces de théâtre dans les quartiers et les écoles : l’association multiplie les actions de communication. « Après cinq mois de projet, on commence à sentir un petit changement », se félicite la présidente de la SDH, notant que la toute dernière campagne de vaccination organisée à Oran a attiré plus de monde que les fois précédentes.
Pour accélérer la riposte, certaines voix appellent désormais à instaurer l’obligation vaccinale pour les personnels de santé et de l’éducation. En attendant, Alger a également préconisé samedi 25 décembre la « stricte application » des divers protocoles sanitaires tels que le port du masque et annoncé « la mise en place ferme de sanctions administratives et pénales à l’encontre des contrevenants », alors qu’un grand relâchement est observé dans le respect des gestes barrières.
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