Publié le : 23/12/2021 – 18:10
Le drapeau arc-en-ciel, symbole de la défense des droits des LGBT, se retrouve au cœur d’une guerre de l’image à moins d’un an du Mondial de football au Qatar. Doha garantit leur « sécurité » durant l’événement sportif, mais Human Rights Watch dénonce une criminalisation de l’homosexualité, passible de prison.
Mohammed, Rafiq, Azhar. Tous sont citoyens qataris et homosexuels. Leurs témoignages, récoltés par Human Rights Watch (HRW) et le média anglais Daily Mail disent la peur d’être démasqués dans un pays où les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont passibles de sept ans de prison.
Alors que le Qatar se prépare à accueillir la Coupe du monde de la Fifa en novembre 2022, l’ONG HRW alerte sur la surveillance et la répression des LGBT.
Arrêté en 2014 pour un comportement homosexuel présumé, Mohammed craint de retourner en prison. Pendant sa détention, les agents ont fouillé son téléphone et identifié un homme avec lequel il avait échangé des messages amoureux. Ils ont tenté de contacter cette personne pour la cibler également, raconte le Qatari à HRW. Il se souvient avoir été détenu pendant des semaines, subissant des violences verbales et un harcèlement sexuel de la part de la police. Les agents lui ont même rasé la tête.
D’autres témoignages recueillis par le Daily Mail début octobre vont dans le même sens. Rafiq, 37 ans, dit avoir envisagé le suicide à plusieurs reprises, craignant en permanence que sa double vie ne soit découverte. Il rapporte que des amis ont été détenus à Doha pendant un mois parce qu’ils avaient l’air « trop féminins ou semblaient être gays ». La police leur a également rasé la tête. « La police ne rase pas la tête des autres prisonniers, seulement celle des gays », dénonce Rafiq.
Interdit de séduire un autre homme
Au Qatar, les relations sexuelles entre hommes sont punies de peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement. Mais la loi va encore plus loin, dénonce HRW, car la seule « séduction » en vue de commettre un acte de « sodomie » est aussi passible de trois années de prison.
Plus largement, toute allusion aux LGBT est bannie des médias qataris, en vertu d’une loi qui les considère comme une « atteinte à la morale ». Ainsi en 2018, l’édition internationale du New York Times dans sa version diffusée par Dar al-Sharq, un partenaire qatari, s’est retrouvée dépossédée de plusieurs articles abordant des sujets LGBT. Résultat, le journal est paru avec des pages blanches en lieu et place d’un article sur une fusillade meurtrière contre un bar gay aux États-Unis ou encore d’un papier à propos d’Elton John, fervent défenseur des LGBT et critique de l’organisation de la Coupe du monde au Qatar.
Want to know about the importance of LGBT rights during the 2018 World Cup. Well, if you live in Qatar you aren’t allowed to…
How @MinkysHighjinks‘ oped appeared in the Qatar edition of the New York Times: pic.twitter.com/Wpm3xrFLZ6
— Philippa H Stewart (@Flip_Stewart) May 31, 2018
Le chanteur britannique n’est pas le seul. À l’approche de ce grand événement sportif, d’autres personnalités se sont inquiétées de la tenue d’une Coupe du monde dans un pays qui criminalise les homosexuels.
Le Qatar assure que les LGBT seront en « sécurité » lors du mondial
« J’aurais peur de jouer au Qatar », a affirmé en novembre l’Australien Josh Cavallo, le seul footballeur professionnel au monde à avoir publiquement révélé son homosexualité. Ce à quoi le directeur général du comité qatari d’organisation de la Coupe du Monde a répondu que « tout le monde serait le bienvenue ici et tout le monde se sentira en sécurité ».
« Le Qatar est un pays tolérant, un pays chaleureux, accueillant », a ajouté Nasser al-Khater dans un entretien avec CNN diffusé le 30 novembre. « Le Qatar reste conservateur du point de vue de la démonstration d’affection en public. Nous demandons aux fans de respecter les différentes cultures, comme nous le faisons nous-mêmes », a-t-il toutefois précisé.
Autre promesse faite par le comité d’organisation qatari à la Fifa, l’assurance que les affiches et les symboles faisant la promotion des droits des LGBT seront bien autorisés. « En ce qui concerne les drapeaux arc-en-ciel dans les stades, la Fifa a ses propres directives, elle a ses règles et règlements », a déclaré Nasser al-Khater à Associated Press. « Quels qu’ils soient, nous les respecterons. »
De son côté, la Fifa garantit que chaque événement qu’elle organise est bien « inclusif ». « Les gens doivent être libres d’arborer tout type de drapeau qu’ils veulent, sans être ciblés ou discriminés, y compris le drapeau arc-en-ciel », a rappelé le 21 décembre sa secrétaire générale, Fatma Samoura.
Jouets arc-en-ciel interdits
Pourtant, ce même jour, une annonce des autorités du Qatar est venue semer le doute. Le Qatar s’est lancé dans une grande campagne de saisie des jouets « contraires aux valeurs islamiques ». Entendez des jouets pour enfants aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, rappelant le symbole de la défense des droits LGBT.
« Des campagnes d’inspection menées dans des magasins dans différentes régions du Qatar ont abouti à la saisie de jouets pour enfants portant des slogans contraires aux valeurs islamiques », a annoncé sur Twitter le ministère du Commerce et de l’Industrie, qui a exhorté « les citoyens et résidents à signaler toute marchandise portant des logos ou des dessins contraires aux traditions ».
Sans donner plus de précisions, le ministère a publié une photo montrant les célèbres jouets à bulles antistress en caoutchouc et aux couleurs arc-en-ciel.
نفذت وزارة #التجارة_والصناعة حملات تفتيشية على عدد من المحال التجارية في مناطق مختلفة بالدولة، وأسفرت الحملات عن ضبط وتحرير عدداً من المخالفات، تمثلت في لعب أطفال تحمل شعارات مخلّة بالقيم الإسلامية والعادات والتقاليد.#قطر pic.twitter.com/4JpwpMpR9v
— وزارة التجارة والصناعة (@MOCIQatar) December 20, 2021
Dans un peu moins d’an, toutes les caméras du monde seront braquées sur le Qatar à l’occasion du Mondial. La guerre de communication autour du drapeau arc-en-ciel est bel et bien lancée, et Doha en connaît la force du symbole. En atteste la prise de position du champion de Formule 1 Lewis Hamilton le mois dernier.
Lors du Grand Prix de Formule 1 qui se tenait pour la première fois au Qatar le 21 novembre, le pilote britannique a arboré un casque multicolore, pour envoyer un message de solidarité à la communauté LGBT. « Love is love » (« L’amour est amour »), avait-il fait inscrire dessus et « We stand together » (« Nous luttons ensemble »).
Avec AFP
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