« Visionnaire », Gérard Brémond, 84 ans, passionné de jazz, a construit en cinquante ans le leader européen de la résidence de tourisme Pierre et Vacances dont il devrait bientôt perdre le contrôle et le pilotage, si l’accord de recapitalisation et de modification de la gouvernance annoncé lundi est finalisé.
Gérard Brémond rêvait d’être musicien de jazz. « Un fossé énorme me séparait non seulement des génies du jazz, mais même des bons musiciens », confiait-il à l’AFP en 2007. Alors « je me suis résigné à revenir à la construction, comme mon grand-père et mon père ».
Il est toutefois aujourd’hui propriétaire de la radio TSF Jazz et du club de jazz parisien le Duc des Lombards.
Un diplôme de sciences économiques en poche, Gérard Brémond se voit confier à l’âge de 27 ans, par son père Robert Brémond promoteur immobilier, le projet de station de montagne voulu par le champion olympique de ski Jean Vuarnet qui deviendra Avoriaz, dans les Alpes françaises.
« On reproche à Gérard Brémond de bétonner mais avec Avoriaz, il a eu cette vision avant tout le monde de station sans voiture, du +tout sur place+, tout en ayant la possibilité de vivre le séjour comme on l’entend », souligne Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme.
Gérard Brémond en parle comme de « la chance de (sa) vie », survenue dans les années 60: « j’ai fait Avoriaz, et Avoriaz m’a fait. C’est devenu l’acte fondateur d’un groupe dont je n’aurais jamais imaginé qu’il prendrait une telle dimension ».
Aujourd’hui le groupe, coté en Bourse depuis 1999, englobe Pierre et Vacances, Center Parcs, Sunparks, Villages Nature Paris, Aparthotels Adagio et Maeva.com.
« Gérard Brémond est un grand entrepreneur qui a révolutionné le marché du tourisme en inventant de nouvelles techniques de financement et de propriété », confie à l’AFP François Hollande qui le connait bien. « Il a su réanimer des lieux, aussi bien en montagne que dans l’espace rural », ajoute l’ancien président de la République.
– « L’argent n’est pas son moteur » –
Avec Pierre et Vacances, Gérard Brémond a inventé le concept de la « nouvelle propriété »: des particuliers achètent, à des prix réduits, des appartements qu’ils lui confient en location, tout en se réservant des droits de séjour. Un concept qu’il applique « à la mer et à la montagne », en rachetant des terrains aux Ménuires, à Val d’Isère, Juan-les-Pins et Sainte-Maxime.
Ses pairs saluent son caractère visionnaire. Gérard Brémond « est un formidable créateur, entrepreneur hors normes avec une vision rare », estime Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde. « C’est un créateur et un véritable entrepreneur », renchérit auprès de l’AFP Jacques Maillot, fondateur de Nouvelles frontières.
Pour Didier Arino, « il fait partie des rares grands personnages du tourisme français » et « c’est avant tout un visionnaire (…), il a senti +les coups+ comme le rachat de Center Parcs », en 2003.
« Sa vraie passion, c’est l’immobilier, pas le tourisme qui n’est qu’un outil. De ce point de vue, on peut dire que c’est un véritable constructeur de projets innovants », relève Jean-François Rial.
Selon un de ses anciens directeurs généraux Yann Caillère, « l’argent n’est pas son moteur, il s’en fout ». « C’est un optimiste maladif, il croit toujours que tout va se régler », selon lui.
L’homme qui « décide de tout » depuis 54 ans à la tête de son groupe et qui a vu défiler cinq directeurs généraux en 15 ans, est « davantage un promoteur qu’un exploitant », estime Didier Arino.
Et c’est là que le bât blesse.
« Il ne s’intéresse pas à la partie opérationnelle d’exploitation », confirme Yann Caillère, « une fois que le projet est réalisé, le reste n’est pas son problème. Ce qui fait qu’il y a un manque de réalisme », « il n’a pas compris que son monde avait changé », estime-t-il.
Le « visionnaire » n’a « pas senti le virage », « ce que le promoteur gagne, l’exploitant le perd », estime aussi Didier Arino.
« Dans cette phase pas facile pour lui, ce qui est remarquable et digne, c’est que son seul souci est celui de l’avenir du groupe », confiait à l’AFP l’actuel directeur général Franck Gervais avant l’annonce d’une restructuration financière.
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