Alors que le sujet de la santé peine à émerger dans la campagne présidentielle, Jacques Battistoni, président du syndicat MG France, prône un remboursement à 100% du premier niveau de soins et pointe le gâchis des milliards de frais de gestion des assurances complémentaires. A ses yeux, la création d’une « Grande Sécu » n’aboutirait pas une « étatisation » du système de santé tricolore.
Challenges – Le ministère de la Santé a lancé il y a quelques semaines un débat sur l’instauration d’une « Grande Sécu » qui rembourserait les soins à 100% et mettrait fin aux mutuelles, qu’en pensez-vous?
Jacques Battistoni – Le débat sur la « Grande Sécu » pose de bonnes questions. Le système français de double financement des soins par l’Assurance maladie et les mutuelles comporte de nombreux effets pervers. Le plus grave est qu’il ne favorise pas l’accès aux soins pour les personnes les plus pauvres qui n’ont pas les moyens d’avoir une mutuelle. Il y a encore trop de personnes en France qui renoncent à se soigner pour des raisons financières. Sans mutuelle, un patient doit en effet payer de sa poche 30% d’une consultation médicale et 35% des médicaments prescrits. Et les tarifs des mutuelles sont souvent plus élevés pour les personnes âgées ou fragiles qui ont justement le plus besoin de soins. Instaurer une « Grande Sécu » permettrait de revenir à ce beau principe où chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
Vous défendez donc le remboursement des soins à 100% par l’Assurance maladie…
Chez MG France, nous prônons depuis plusieurs années le remboursement à 100% des « soins primaires », c’est-à-dire le premier niveau de soins: médecins généralistes, médicaments prescrits, infirmiers, etc. Toutes les études montrent que la gratuité de ces soins de « premier recours » favorisent la bonne santé des populations, et en particulier des plus pauvres qui n’hésitent plus à aller chez leur généraliste dès les premiers symptômes d’une maladie. Cela évite une aggravation de l’état du patient et facilite la prévention ou le dépistage.
Quels seraient les autres avantages de la « Grande Sécu »?
Le système français de double financement des soins génère des coûts de gestion redondants. En effet, le même dossier de remboursement d’un malade est traité successivement par l’Assurance maladie, puis la mutuelle. A l’échelle de la population française, cela représente chaque année quelque 7,6 milliards d’euros de frais de gestion rien que pour les mutuelles! A cela, il faut ajouter 2 milliards d’euros de dépenses administratives des hôpitaux uniquement pour s’assurer de leur paiement par les mutuelles. Ces sommes considérables seraient plus utiles dans le financement de vraies dépenses de santé.
Ne craignez-vous pas qu’une « Grande Sécu » aboutisse à une « étatisation » du système de santé et à une « fonctionnarisation » des médecins?
Ces arguments sont des épouvantails brandis par les opposants de la « Grande Sécu ». Cela n’a aucun sens. Ce n’est pas parce que les soins seraient remboursés à 100% par l’Assurance maladie que la liberté des médecins serait réduite. Tant que les médecins conserveront leur statut de profession libérale avec leurs libertés de prescription et d’installation, il n’y aurait pas de risque d’ »étatisation » du système de santé. En revanche, il est certain que l’instauration d’une « Grande Sécu », qui ne prendrait plus en charge les dépassements d’honoraires aujourd’hui remboursés par les mutuelles, poserait la question des rémunérations des médecins spécialistes, qui peuvent aujourd’hui fixer des tarifs supérieurs au plafond de la Sécurité sociale. Mais c’est un autre sujet qui ne doit pas empêcher des réformes qui améliorent l’accès aux soins de tous les Français.
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