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L’Arabie saoudite a utilisé le logiciel espion Pegasus contre des enquêteurs de l’ONU sur le Yémen

Kamel Jendoubi, président du groupe d’experts sur le Yémen au siège européen des Nations unies à Genève, en Suisse, le 8 septembre 2021 SALVATORE DI NOLFI / EPA

Au cours de ses quatre années d’existence, le groupe d’experts internationaux des Nations unies chargé d’enquêter sur les violations des droits humains au Yémen aura subi des pressions de toutes sortes : financières, politiques, diplomatiques.

Une enquête du « projet Pegasus », qui regroupe Le Monde et seize autres rédactions coordonnées par l’organisation Forbidden Stories, établit aujourd’hui que cet instrument d’enquête de l’ONU a également été la victime d’un espionnage étatique numérique.

Seul mécanisme international mandaté pour enquêter sur les violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit, qui ravage le Yémen depuis 2014, le groupe d’experts a vu son mandat être interrompu en octobre 2021 après une intense campagne de lobbying menée par l’Arabie saoudite. Le royaume est à la tête d’une coalition de pays arabes qui intervient en soutien au gouvernement yéménite dans la guerre qu’il mène aux rebelles houthistes. Un engagement qui fait de Riyad l’un des protagonistes du conflit.

Et c’est ce même protagoniste qui a tenté, au moins en août 2019, d’infecter le téléphone du défenseur des droits humains et ancien ministre tunisien Kamal Jendoubi à l’aide du puissant logiciel espion Pegasus, commercialisé par la société israélienne NSO. C’est la première fois que des faits visant une entité de l’ONU par ce logiciel sont établis.

« Le comportement d’un Etat voyou »

Désigné à la tête du groupe d’experts en décembre 2017 par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Kamel Jendoubi et son équipe s’apprêtaient alors à publier leur deuxième rapport détaillant les crimes de guerre qui ont été commis pendant le conflit. Un bon nombre des violations « peut entraîner la condamnation de personnes pour crimes de guerre si un tribunal indépendant et compétent en est saisi », avaient conclu les enquêteurs, qui appelaient également la communauté internationale à s’abstenir de vendre des armes aux belligérants.

« C’est le comportement d’un Etat voyou. Il n’y a pas d’autres mots. En tant qu’enquêteurs internationaux, nous sommes censés être au minimum protégés. Mais je ne suis pas du tout surpris. J’appréhende cette situation depuis 2019. Nous savions que nous serions potentiellement ciblés depuis la publication de notre rapport de 2018. Ce rapport avait créé un choc en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis [également membre de la coalition arabe]. Ils ne s’attendaient pas à de telles conclusions », se rappelle Kamel Jendoubi dans un entretien au Monde.

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