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« Ils pillent et ils détruisent tout » : en Ethiopie, la région Amhara éreintée par la guerre civile

Par Noé Hochet-Bodin

Publié aujourd’hui à 19h00, mis à jour à 20h50

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ReportageLes villes occupées en novembre par les rebelles tigréens ont été saccagées et des centaines de milliers de personnes sont aujourd’hui déplacées.

« Ils ont tout emporté sur leur passage, il ne reste plus rien ici. » Le constat de Belaw Mulatu est partagé par la quarantaine de personnes qui, comme lui, patientent devant le bureau temporaire d’assistance humanitaire de Shewa Robit, une ville de 30 000 habitants située dans la région Amhara, dans le nord de l’Ethiopie. En novembre, ce professeur de géographie de 42 ans a fui l’avancée des insurgés des Forces de défense tigréennes (TDF). Progressant à toute vitesse, les rebelles ont pris le contrôle de la cité, puis se sont approchés à moins de 200 kilomètres d’Addis-Abeba, la capitale, avant de se replier début décembre vers le nord, en direction du Tigré.

La bataille de Shewa Robit a duré trois jours. Les soldats tigréens, accompagnés de leurs alliés de l’Armée de libération oromo (ALO), ont ensuite occupé la ville pendant onze jours. Avant de se retirer, ils ont pratiqué une politique de la terre brûlée. La plupart des propriétés, publiques et privées, ont été systématiquement pillées ou vandalisées. Une illustration de cette guerre sans pitié qui inquiète de plus en plus la communauté internationale : vendredi 17 décembre, l’ONU s’est alarmée de voir l’Ethiopie sombrer dans une « violence généralisée » lors d’une réunion extraordinaire de son Conseil des droits de l’homme; une commission internationale d’experts sera chargée d’enquêter sur les exactions commises par les camps en présence.

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C’est dans une ville en ruine que Belaw Mulatu a fait son retour le 8 décembre, après plusieurs semaines d’exil forcé à Debre Birhan, à 100 kilomètres plus au sud. « Nous avons besoin de tout, résume-t-il : de nourriture, de savon, de médicaments… » Cependant, pour l’heure, aucune distribution n’est prévue. « Nous nous inscrivons juste au cas où », précise l’enseignant. Cela fait plus de dix jours que lui et sa famille se nourrissent exclusivement de biscuits donnés par des soldats de l’armée fédérale.

Belaw Mulatu, professeur de géographie, à Shewa Robit, en Ethiopie, le 9 décembre 2021. EDUARDO SOTERAS POUR « LE MONDE » Vue d’une salle vandalisée à l’hôpital de Shewa Robit, en Ethiopie, le 9 décembre 2021. L’hôpital a été pillé par les forces tigréennes lorsqu’elles occupaient la ville. EDUARDO SOTERAS POUR « LE MONDE » Un technicien de laboratoire montre des médicaments dans un entrepôt pillé par les forces tigréennes au sein du centre de soins de Shewa Robit, en Ethiopie, le 9 décembre 2021. EDUARDO SOTERAS POUR « LE MONDE »

La route principale qui traverse Shewa Robit porte les stigmates d’un véritable saccage. Les banques sont détruites, les distributeurs de billets éventrés. Un camion-citerne a été dépecé, probablement vidé de sa cargaison et abandonné au milieu de la route. Plus loin, l’entrée de l’hôtel Kalid est obstruée par la carcasse d’un camion militaire Ural, frappé par un drone.

Le sol et les escaliers de l’hôtel sont recouverts d’excréments et de morceaux de verre cassé. Les soldats tigréens ont brisé toutes les vitres après y avoir séjourné. « Il ne reste que les sommiers, déplore le directeur, Mohammed Abuye, sa kalachnikov en bandoulière. Ils ont emporté sur leurs camions tous les matelas, les quarante téléviseurs et toutes nos machines. » Impossible pour lui d’estimer le coût des dégâts et le temps nécessaire pour remettre son établissement sur pied.

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