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La mort de la féministe bell hooks, autrice et théoricienne afro-américaine

L’autrice et critique culturelle bell hooks, le 16 décembre 1996, à New York. KARJEAN LEVINE / GETTY IMAGES

L’autrice et théoricienne afro-américaine bell hooks, l’une des voix qui auront résonné avec le plus de force parmi les mouvements féministes des dernières décennies, s’est éteinte le 15 décembre, à Berea (Kentucky). Elle avait 69 ans.

Gloria Jean Watkins est née le 25 septembre 1952 à Hopkinsville, dans le Kentucky, Etat rural et pauvre, où la ségrégation s’appliquait alors, contraignant la jeune femme à commencer sa scolarité dans un établissement réservé aux Noirs. Elle avait 16 ans quand Martin Luther King (1929-1968) fut assassiné. Entre l’ultramodernité de la Californie, où elle démarra des études de littérature, et la ruralité du Wisconsin, où elle passa sa maîtrise, puis de l’Ohio, où elle enseigna, bell hooks semblait avoir refusé de choisir. Depuis 2004, elle avait posé ses valises dans le Kentucky et enseignait à l’université de Berea.

C’est avec son premier recueil de poésie, And There We Wept (« Et là nous avons pleuré », 1978, non traduit), qu’elle s’est forgé le pseudonyme bell hooks – qu’elle tenait à écrire sans majuscules, comme pour s’effacer derrière ses textes. Alors qu’elle termine son doctorat, consacré à la romancière afro-américaine Toni Morrison (1931-2019), elle publie un essai, Ain’t I a Woman ? Black women and Feminism (1981). Il faudra attendre 2015 pour que le texte nous parvienne en français, sous le titre Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme (Cambourakis).

Ce travail monumental, dont l’écriture s’est étalée sur sept ans, est qualifié par son autrice de « lettre d’amour de ma part aux femmes noires ». Elle y retrace l’histoire de ces femmes, depuis l’esclavage jusqu’au début des années 1980, alors que le féminisme de son temps tendait à les reléguer au second plan. Ne suis-je pas une femme ? est un livre combatif par sa critique des féminismes blancs aussi bien que des mouvements noirs de libération. Fondateur de ce qu’on appelle à présent le « Black Femimism », il a ouvert la voie à la pensée intersectionnelle, au croisement des discriminations que sont le racisme et le sexisme.

Une vision moderne du récit de l’intime

Dans le prolongement de ce texte, De la marge au centre : théorie féministe (1984 ; Cambourakis, 2017) appelle à une révision des objectifs des mouvements féministes, dans le but d’y intégrer toutes les femmes – et non plus seulement celles de la classe moyenne supérieure blanche et éduquée. Historicisées, les catégories sociales, raciales et sexuelles apparaissent comme ce qu’elles sont : des constructions politiques, qu’un travail politique peut donc permettre de modifier.

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