Editorial du « Monde ». Confrontés à une dangereuse multiplication des crises dans leur voisinage oriental, les dirigeants européens tentent de définir la bonne approche à l’égard de celui qui est au centre de toutes ces tensions : le président russe, Vladimir Poutine. Le sommet des Vingt-Sept, qui s’est achevé tard jeudi 16 décembre, a montré toute la difficulté de dégager une ligne claire, commune, sur l’équilibre entre diplomatie et sanctions face à Moscou.
Ce conseil européen, le dernier de l’année, s’est tenu au moment où le président russe maintient la pression sur la frontière ukrainienne, le long de laquelle il a massé des dizaines de milliers de soldats depuis fin octobre. Un entretien téléphonique de deux heures, le 7 décembre, avec le président américain, Joe Biden, n’a apparemment pas été suivi du retrait de ces troupes. Moscou demande notamment que l’OTAN s’engage à ne jamais intégrer l’Ukraine et la Géorgie – demande rejetée par les Occidentaux.
La stratégie de M. Poutine est de passer par-dessus la tête des Européens pour négocier avec les Etats-Unis, de puissance à puissance, une nouvelle architecture de sécurité sur le continent, trente ans après l’effondrement de l’Union soviétique. L’enjeu est donc énorme pour les Etats membres de l’Union européenne (UE), dont vingt et un sont aussi membres de l’OTAN.
Aux Européens de s’imposer
Washington semble déterminé à ne pas tomber dans le piège et a joué jusqu’ici la carte de la concertation avec ses principaux alliés européens. Karen Donfried, la responsable des affaires européennes auprès du chef de la diplomatie américaine, Tony Blinken, a eu des entretiens cette semaine à Kiev et à Moscou ; à Moscou, les Russes lui ont remis une liste de propositions dont elle est aussitôt allée informer ses partenaires européens à l’OTAN, jeudi à Bruxelles. Parallèlement, la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland assurait jeudi aux médias européens qu’il « ne serait pas dans l’intérêt » des Etats-Unis d’agir « sans le plein engagement de leurs alliés européens ».
Dans cette logique, Washington a apporté son appui à la tentative de réactivation du « format Normandie », cadre de négociation à quatre (France, Allemagne, Russie, Ukraine) pour trouver un règlement au conflit dans le Donbass. Ce processus est au point mort depuis deux ans en raison du blocage russe.
Cette concertation transatlantique face à la Russie est positive et doit impérativement se poursuivre. Mais il appartient aussi aux Européens d’arrêter leur propre stratégie dans la gestion de leur relation avec Moscou et de s’imposer comme interlocuteurs à part entière dans une discussion qui les concerne au premier chef.
A l’issue du sommet européen, le président Emmanuel Macron, accompagné du chancelier Olaf Scholz, a évoqué une « approche multiple, coordonnée » de la crise avec Moscou : dissuasion, par « des signaux très clairs » adressés à la Russie sur les sanctions auxquelles elle s’expose ; réactivation de la diplomatie avec Moscou ; et aide à l’évolution économique et démocratique de l’Ukraine.
Malheureusement, pour l’instant, les « signaux » ne sont pas « très clairs ». Il ne suffit pas de menacer M. Poutine de « conséquences massives » et « d’un énorme prix à payer » en cas de nouvelle agression contre l’Ukraine, comme le font ces jours-ci les Etats-Unis, l’OTAN et l’UE. Il faut que les Européens montrent, unis de Paris à Vilnius et de Berlin à Varsovie, qu’eux aussi sont prêts à payer le prix de la fermeté pour défendre leur modèle et l’indépendance des pays ex-soviétiques. On n’y est pas encore.
L’article Face à la Russie, le prix de la fermeté pour les Européens est apparu en premier sur zimo news.