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Divorce européen et « résidence habituelle »

Lorsque des couples binationaux (belgo-espagnol, germano-italien) souhaitent divorcer, un premier obstacle se dresse : quel est le tribunal compétent pour statuer ? Le règlement européen Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 prévoit plusieurs solutions. Il dit notamment que cela peut être le tribunal sur le territoire duquel se trouve la « résidence habituelle » du « demandeur », si celui-ci y habite depuis au moins un an. Mais localiser cette résidence habituelle n’est pas toujours facile, comme le montre l’affaire suivante.

En août 1994, Maureen X (prénoms inventés), irlandaise, et Pierre W, français, se marient en Irlande, où ils fondent une famille. En décembre 2018, c’est en France, devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, que Pierre dépose une requête en divorce. Il explique qu’il y a établi sa résidence habituelle depuis mai 2017, date à laquelle il y a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée.

Maureen le conteste : elle affirme qu’il « continue » de venir en Irlande le week-end et pendant les vacances, pour voir leurs enfants. Elle considère donc que la juridiction irlandaise est compétente.

« Pouvoir discrétionnaire »

Le TGI juge que M. W « partage sa vie » entre deux pays, la France, où il a « installé le centre de ses intérêts professionnels », et l’Irlande, où il passe « le reste du temps ». Il se déclare incompétent pour statuer. La cour d’appel de Paris, que Pierre saisit, décide d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne : un époux peut-il avoir sa résidence habituelle dans deux Etats membres, aux termes du règlement Bruxelles II bis ?

Le 25 novembre, la Cour répond par la négative : admettre le contraire « serait de nature à nuire à la sécurité juridique ». La notion de résidence habituelle, explique-t-elle, « est caractérisée » par « deux éléments » : un « séjour stable », et la « volonté » de l’intéressé d’y « transférer » le centre de ses intérêts vitaux. Ces deux éléments sont, « a priori », réunis dans le cas de Pierre, qui explique divorcer parce que son épouse refuse de le rejoindre à Paris, où il travaille depuis 2010. La Cour invite la juridiction parisienne à le « vérifier ».

Pourquoi Maureen préférerait-elle que le divorce soit prononcé en Irlande ? « Les juges irlandais ont un pouvoir discrétionnaire très fort », explique Me Charlotte Butruille-Cardew, avocate spécialiste des divorces internationaux au sein du cabinet CBBC.

« Lors de la liquidation du régime matrimonial, ils ont tendance à protéger le conjoint le plus vulnérable souvent l’épouse , auquel ils peuvent accorder un tiers des biens, selon les statistiques des Notaires d’Europe. » Alors que, en France, « les juges sont liés par le régime matrimonial applicable », ici, manifestement, la séparation de biens.

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