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Justice: la décision parisienne qui menace les banques libanaises

C’est un jugement qui menace l’ensemble des banques libanaises accusées d’avoir réalisé le « braquage du siècle ». En clair, après avoir courtisé durant des années les investissements dans les bons du trésor libanais par la diaspora en promettant des taux d’intérêts mirobolants, la plupart des banques refusent aujourd’hui de rembourser leurs clients dans la monnaie qu’ils ont utilisé pour ouvrir leur compte. Préférant proposer une restitution des fonds en livre libanaise à un niveau historiquement bas. Se penchant sur la cas d’une syrienne résidente  depuis 45 ans en France, la 9ème chambre du  Tribunal judiciaire de Paris, spécialisée en droit bancaire, a déclaré sa demande recevable. Et condamné le 19 novembre dernier une banque libanaise à lui reverser l’intégralité des ses économies déposées à Beyrouth, soit environ 2,5 millions d’euros au total. Un jugement que révèle Challenges et qui pourrait entraîner un jeu de dominos pour des milliers de déposants ruinés suite à la chute abyssale de la livre libanaise. 

Tribunal français compétent pour des fonds bloqués au Liban

L’histoire de la plaignante ressemble à celle de dizaine de milliers de Libanais aisés vivant à l’étranger. Tout a commencé en 2014 avec l’ouverture de deux comptes auprès de la banque Near East Commercial Bank (NECB). L’un en dollars et l’autre en euros. Portant sur près de trois millions, ils étaient pour l’instant bloqués. La banque, devenue banque Saradar suite à une fusion en 2016, n’est pas parvenue à convaincre la cour que le for juridique résidait à Beyrouth et non pas en France. Affirmant ne posséder ni bureau, ni employé sur son territoire, l’établissement souhaitait que le litige soit jugé par les instances commerciales beyrouthines. Un argument balayé par le tribunal qui a retenu le fait que les « comptes courants au nom de Mme M. ont été signés à Paris ». Mais aussi que « des préposés de ces établissements bancaires se déplaçaient plusieurs fois par an en France pour accomplir des formalités nécessaires auprès d’une clientèle locale. »

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Durant des années, les banques libanaises se sont appuyées sur une politique hasardeuse de la banque centrale du pays. Proposant des taux d’intérêts défiant toute concurrence – entre 4% et 6% pour Madame M. – sous l’impulsion du gouverneur Riad Salamé et permettant aux banques de réaliser des profits considérables. Un système de Ponzi qui s’est écroulé en 2019 avec l’annonce du défaut de paiement de la dette. La livre libanaise chute depuis et les épargnants libanais sont les premiers floués avec des propositions de restitutions de leurs avoirs qui ont fondu. Voués à accepter des propositions inacceptables de leurs établissements bancaires qui se réfugient derrière la situation économique globale. 

Clause léonine non retenue par le jugement

La banque Saradar a plaidé en vain que  Madame M. n’est plus sa cliente après lui avoir donné la possibilité de retirer le solde de ses comptes en livres libanaises en se rendant en personne au Liban. Ayant utilisé la possibilité de résilier le compte en vertu du contrat qui stipulait que: « la banque est autorisée à mettre fin aux relations contractuelles sans préavis, auquel cas le compte est clôturé à la date d’une telle résiliation et, sauf convention contraire le solde du compte majoré des intérêts devient immédiatement dû. Omettant de préciser que, ces avoirs, une fois transférés en livre libanaise perdraient entre 30 et 60% de leur valeur. 

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Finalement, le Tribunal de Paris a condamné la banque à reverser l’intégralité de ses économies à la plaignante soit près de 2,5 millions d’euros. Saradar a fait appel de cette décision. « Ce jugement solidement motivé, rendu dans des délais records, est le premier à condamner une banque libanaise à payer effectivement le déposant; le premier d’une longue série, puisque d’autres tribunaux européens et anglais se sont eux aussi déclarés compétents et devraient rendre leurs jugements au fond dans les mois qui viennent », commentent les avocats Jacques-Alexandre Genet (Archipel Law Firm) et Nada Abdelstar (ASAS Law) qui ont initié cette démarche au printemps dernier. 

Par Clément Fayol et Antoine Harari

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