Publié le : 03/12/2021 – 13:24
Les passeurs leur vendent une traversée facile. Mais une fois sur les rives du fleuve Evros, qui sépare la Grèce et la Turquie, la plupart des candidats à l’immigration en Europe déchantent : il faut traverser le fleuve et éviter de tomber sur les gardes-frontières grecs sous peine d’un tabassage en règle et d’un renvoi illico sur l’autre rive. Notre Observateur a expérimenté cet enfer et met en garde.
Mohammed Zikeh est un jeune migrant syrien. Il travaille comme ouvrier du bâtiment à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie. Entre les mois d’août et de septembre 2021, il a tenté à quatre reprises de traverser la frontière entre la Turquie et la Grèce, porte d’entrée de l’Europe.
Pour ce faire, il a d’abord rallié la région d’Edirne, à l’extrême ouest du pays, avant de rejoindre les rives du fleuve Evros, frontière naturelle entre la Turquie et la Grèce.
« Ils m’ont vraiment frappé partout »
Mais à chaque fois qu’il a réussi la traversée, Mohammed Zikeh a été repéré par les gardes-frontières grecs, qui l’ont copieusement battu avant de l’obliger à traverser le fleuve en direction de la Turquie. Notre Observateur a documenté une partie de son périple sur sa chaîne TikTok. Dans cette vidéo, il montre les traces de coups de bâton que lui ont asséné les gardes-frontières, sur les cuisses et au niveau du genou.
Ils m’ont frappé avec trois ou quatre bâtons. Je suis également blessé au niveau du torse et du dos, et ils m’ont fracturé le nez. J’ai aussi reçu un gros coup sur la mâchoire. Ils m’ont vraiment frappé partout.
Les autorités grecques nient ces violences, mais les renvois illégaux et violents vers la frontière turque, appelés « pushback », sont très fréquents selon des ONG de défense des droits humains.
L’ONG Border violence indique dans une étude publiée le 1er novembre 2021 que 98 % des refoulements sont accompagnés de tortures et de traitements dégradants.
En outre, de nombreux migrants se noient dans le fleuve Evros chaque année. Mohammed Zikeh explique :
En général, les gardes-frontières nous obligent à traverser le fleuve à un endroit où l’eau n’est pas très profonde, mais beaucoup se noient car ils sont emportés par le courant qui est parfois trop fort.
Près de 200 migrants non identifiés sont enterrés dans un cimetière à Sidro, un petit village grec situé à quelques kilomètres de la frontière turque.
Cimetière des migrants à Sidro, village grec situé à quelques kilomètres de la frontière avec la Turquie. Consolidated Rescue Group, 22 octobre 2021.
« Beaucoup de gens, s’ils savaient tout ce qui se passe, ne tenteraient pas le voyage »
Mais c’est surtout dans le but de tordre le coup au discours trompeur des passeurs, qui promettent une promenade de santé sur les réseaux sociaux, que Mohammed Zikeh à décidé de raconter son histoire.
Il y a des femmes, des familles avec des enfants qui tentent le voyage. Beaucoup de gens, s’ils savaient tout ce qui se passe, ne le feraient pas. Les passeurs promeuvent la traversée dans des groupes Facebook et Telegram.
Ils omettent complètement de parler des risques de noyade, de la brutalité des gardes-frontières. Alors pour rétablir la vérité, j’ai oublié une longue vidéo sur YouTube où j’explique l’enfer que j’ai vécu durant mes quatre tentatives ratées.
En août dernier, le gouvernement grec avait annoncé avoir achevé la construction d’un mur de 40 kilomètres, le long de sa frontière terrestre avec la Turquie. Une barrière de près de 12 kilomètres avait déjà été érigée entre les deux pays en 2016. Un système de surveillance électronique et le recrutement de 1 200 gardes-frontières supplémentaires sur terre et en mer Egée complètent le dispositif antimigrants, indique le site Infomigrants.
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