Tribune. Le rapprochement entre l’Inde et les pays européens est sans doute la variable géopolitique qui a été le moins commentée par les observateurs de la scène internationale. Cette évolution, qui a connu son point d’orgue au printemps [2021], n’en est pas moins remarquable : en mai, le sommet Inde-Union européenne (UE) a en effet confirmé une dynamique à l’œuvre depuis le milieu de la dernière décennie à travers l’annonce, notamment, de la reprise des négociations d’un traité de libre-échange.
Le commerce est au cœur du Partenariat stratégique indo-européen depuis sa création, en 2004. Mais les négociations, qui ont duré jusqu’en 2013, n’ont jamais permis la signature d’un tel traité en raison de nombreuses pierres d’achoppement, des barrières douanières (tarifaires et non tarifaires) indiennes dans des domaines aussi variés que l’automobile et l’agroalimentaire au refus de l’UE d’accorder les milliers de visas que l’Inde demandait, notamment pour ses ingénieurs informaticiens.
Les atours de la démocratie
Ces pommes de discorde demeurent, et l’Inde est même devenue plus protectionniste ces dernières années. Elle n’a d’ailleurs toujours pas conclu de traité de libre-échange avec un pays se situant à l’ouest de sa frontière occidentale et a renoncé à rejoindre la grande zone commerciale qu’est devenu le Partenariat régional économique global en 2019. L’UE aussi se sent vulnérable sur ce terrain, le Brexit ayant réduit la zone de libre-échange qu’elle avait peu à peu construite, et les litiges commerciaux avec les Etats-Unis de Trump ayant montré la relative fragilité du partenariat transatlantique.
De fait, la reprise des négociations commerciales entre l’Inde et l’UE procède moins d’un désir de commercer que d’une décision politique issue d’un sentiment d’isolement partagé, d’autant plus que l’économie indienne connaît depuis 2017 un ralentissement que la crise du Covid-19 a amplifié et que les investisseurs européens ne se bousculent pas aux portillons indiens.
Les motifs politiques du rapprochement indo-européen se parent volontiers des atours de la démocratie. Il n’est pas un communiqué officiel sans que responsables européens et indiens chantent les louanges de leurs affinités en la matière – et cette antienne va gagner en ampleur à l’approche des Sommet des démocraties [le 9 et 10 décembre 2021 puis] en 2022. Mais, en privé, les diplomates européens sont souvent plus critiques et le Parlement européen lui-même a été, en 2021, le cadre de discours très critiques en la matière. De fait, depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, en 2014, « la plus grande démocratie du monde » vit à l’heure du nationalisme hindou.
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