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« Birmanie. Par-delà l’ethnicité » : les points de suture du patchwork birman

Livre. Le coup d’Etat du 1er février incite à vouloir mieux comprendre les particularités de cette nation qui a tant de mal à se constituer : la Birmanie, indépendante depuis 1948, c’est soixante-dix ans de guerre civile, dont cinquante de dictature, cent trente-cinq ethnies et trois citoyennetés distinctes, plus un statut de résident sans citoyenneté. Bref, un vivre-ensemble sans cesse bousculé par les conflits ethniques et religieux – entre le large centre, dominé par la majorité bouddhiste d’ethnie bamar, et la couronne de zones frontalières peuplées de minorités ethniques et religieuses, sans oublier les Rohingya –, et une dictature militaire qui les nourrit tout en prétendant y mettre fin.

Pour appréhender cette complexité, l’anthropologue François Robinne, spécialiste de la Birmanie, nous invite d’abord à un voyage à travers le temps, qui retrace l’histoire du pays, mais aussi trente ans de terrain : ses premières prospections, en 1994, l’avaient mené autour du lac Inle, dans l’Etat Shan, un carrefour de langues et de dialectes qui fut longtemps l’un des rares lieux accessibles aux chercheurs sous la dictature. Viendra ensuite l’Etat Kachin, au nord, avec ses rites chamaniques et son système ancestral de « clans donneurs » et « preneurs de femmes », auquel s’est superposé le christianisme, puis un maillage de formations politiques et paramilitaires autonomes.

Cheminement théorique

Entre 2012 et 2016, François Robinne a choisi pour sujet une population très peu étudiée : les travailleurs migrants birmans de Bangkok, la capitale thaïlandaise, grand déversoir de ce pays perclus de crises qui « fuit de toute part, comme un tuyau percé ». Des milliers de Birmans vivent dans des « enclaves », des zones de baraquements très régulées et surveillées, d’où ils sont convoyés le matin vers les chantiers, puis ramenés le soir. D’autres s’organisent en indépendants, travaillant dans les services. Tout un réseau d’associations et de syndicats s’efforce de les aider, instaurant des dynamiques de coexistence loin du pays.

Le livre est aussi le récit d’un cheminement théorique, celui d’un auteur qui, depuis ses premiers travaux, revendique d’étudier une région dans son ensemble, pour, écrit-il, « embrasser ainsi dans toute sa complexité le paysage hétérogène, plutôt que de se concentrer sur tel ou tel groupe ethnique ou de choisir un village en particulier ». Ce choix amène François Robinne à explorer ce qui suture le patchwork birman plutôt que ce qui le déchire : les « carrefours sociaux », comme il les appelle. C’est le cas dans les régions « ethniques » mais aussi dans les enclaves.

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