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Lors des Jeux olympiques de Tokyo, l’Ivoirienne Ruth Gbagbi affronte la Brésilienne Milena Titoneli dans la catégorie moins de 67 kg, le 16 juillet 2021. JAVIER SORIANO / AFP
Ruth Gbagbi n’est pas du genre à fanfaronner. Mais, ce mardi 30 novembre, au Palais du taekwondo d’Abidjan, l’athlète ivoirienne fait volontiers quelques pas de danse au son des chants et des maracas de la poignée de supporters ivoiriens venus l’accueillir. « Championne, bonne arrivée oooh, championne bonne arrivée oooh ! », clament-ils en chœur. Drapeau national sur le dos et médaille d’or autour du cou, elle célèbre avec eux son deuxième titre de championne du monde obtenu le 27 novembre à Riyad en Arabie saoudite.
La taekwondiste, désormais numéro deux au classement mondial des moins de 67 kg, l’a emporté en finale face à la Française Magda Wiet-Hénin (11-5), championne d’Europe 2020 à Sarajevo. « J’ai combattu avec mon expérience, mon calme, mes techniques, j’ai travaillé la stratégie pour gagner », analyse-t-elle, heureuse mais fatiguée après ces championnats organisés dans la moiteur saoudienne.
Cette médaille glanée lors des premiers championnats du monde de taekwondo exclusivement féminins vient agrandir la belle collection de la star ivoirienne, âgée de 27 ans. Quintuple championne d’Afrique, double championne du monde donc et double médaillée de bronze aux Jeux olympiques, elle est aujourd’hui l’une des sportives les plus titrées du pays, derrière plusieurs athlètes handisports dont l’imbattable coureur Oumar Koné et ses 83 médailles.
Discipline de fer
Ainsi se conclut une très belle année pour Ruth Gbagbi, également médaillée de bronze aux Jeux de Tokyo cet été, une performance qu’elle juge « satisfaisante » malgré les espoirs annoncés d’or olympique. Son entraîneur Adama Chérif est plus dur : « On a trébuché à Tokyo, il fallait se relancer, heureusement qu’il y a eu cette compétition juste après. »
La saison avait sérieusement commencé dès le mois de juin avec l’équipe nationale dans les montagnes de l’Ouest ivoirien. Une préparation physique inédite à près de 1 000 mètres d’altitude, loin des tatamis de son pôle d’entraînement de Majorque, en Espagne. Et l’air ivoirien semble lui plaire puisqu’elle était déjà revenue sur ses terres pour préparer la saison 2019 après une grave blessure à l’avant-bras. A l’époque, cela avait aussi payé : elle était devenue numéro un mondiale quelques mois plus tard.
Grâce à sa préparation et une discipline de fer, son palmarès grandit et sa détermination n’en est que renforcée. « Je sais que je peux encore mieux faire, estime-t-elle. Gagner une médaille d’or olympique, gagner encore plus de titres mondiaux, des grands prix, être la première partout en fait. »
Comme sur les tapis où elle impressionne par sa rapidité et sa capacité de déplacement, Ruth Gbagbi va sans cesse de l’avant. « Si tu restes à te glorifier après une victoire, sois sûr que tu ne vas plus avancer, lance comme une maxime Adama Chérif. C’est grâce à ce caractère qu’elle est constante, elle ouvre une nouvelle page à chaque fois. »
Cet état d’esprit est le fruit de l’enseignement et des valeurs du sport sud-coréen, exporté en Côte d’Ivoire dans les années 1960 lorsque le maître Kim Young Tae est venu former des maîtres ivoiriens. « L’Asie et l’Afrique ont un trait de caractère commun, compare Adama Chérif. Dans ces cultures, on s’appuie sur le respect des aînés. Et c’est la force de Ruth : elle est très attentive, elle a confiance en elle et elle bosse. »
Un tempérament radicalement différent de celui plus rebelle qu’elle avait enfant dans les rues de son quartier de Koumassi à Abidjan. « Petite, je manquais les cours, je traînais au quartier, j’aimais jouer aux jeux vidéo et je faisais beaucoup la bagarre. A 9 ans, ma mère m’a dit qu’elle allait m’inscrire au taekwondo pour qu’on puisse me frapper, en rit-elle encore. Maintenant c’est le contraire, je suis une championne et elle est fière de moi. »
Deuxième sport du pays
L’art martial lui a apporté une discipline et un moyen de se canaliser : « Désormais, j’arrive à gérer mes émotions. Dès que je suis arrivée en équipe nationale, c’était la routine : ‘“entraînement, études, repos”, “entraînement, études, repos”. Ça m’a cadrée et ça m’a permis d’être qui je suis aujourd’hui. »
Celle qui a commencé très jeune par le foot a la même idole que la grande majorité des Ivoiriens : l’international Didier Drogba, avec qui elle échange parfois. A son tour, elle commence à se faire un nom. « Les gens me reconnaissent plus qu’avant, ils m’accordent un peu plus d’importance », sent-elle. Ces temps-ci, on peut même voir son visage dans les rues d’Abidjan, placardé sur les bus et les panneaux publicitaires. « C’est un modèle, elle est très ambitieuse, optimiste, humble, elle fonce, la Côte d’Ivoire est fière d’elle », lance Denise, membre du comité d’animation des athlètes ivoiriens.
Fière de son pays et active sur les réseaux sociaux, elle est très suivie par la jeunesse ivoirienne, qui se rue aujourd’hui dans les clubs de taekwondo du pays pour suivre ses traces. En Côte d’Ivoire, le nombre de licenciés ne cesse de grandir : de 16 000 à plus de 46 000 en une dizaine d’années, faisant de l’art martial le deuxième sport du pays après le football.
Ses succès ainsi que ceux de Cheick Cissé, champion olympique en 2016 à Rio, y sont pour beaucoup. Et si Ruth Gbagbi n’a pas fini de gagner des titres, elle prépare déjà la relève : « Il faut que je partage mon expérience aux plus jeunes pour qu’ils puissent dépasser le niveau que j’ai aujourd’hui », espère la championne. Humble en toutes circonstances.
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