Parag Agrawal, un ingénieur informatique spécialiste de l’intelligence artificielle, a pris lundi la tête de Twitter, le réseau social resté « petit » par rapport à ses concurrents mais immense par son importance dans les débats actuels sur le modèle économique des plateformes.
« Ma confiance en lui en tant que directeur général vient du plus profond de moi-même », a assuré Jack Dorsey, le charismatique cofondateur de Twitter, dans une lettre où il annonce passer la main.
Il y explique que la personnalité de Parag Agrawal a guidé son choix.
« Parag a été impliqué dans chacune des décisions critiques prises pour transformer cette entreprise. Il est curieux, pointu, rationnel, créatif, exigeant et humble. Il dirige avec son coeur et son âme et j’apprends de lui tous les jours », détaille-t-il.
Arrivé chez Twitter il y a dix ans, M. Agrawal en est devenu le directeur technologique en 2017, d’après la biographie publiée par le groupe.
Diplômé du Indian Institute of Technology de Bombay, en Inde, et détenteur d’une thèse obtenue à la prestigieuse université californienne de Stanford, il est passé par Microsoft, Yahoo et l’opérateur AT&T.
Jack Dorsey le 12 novembre 2018 à New Delhi (AFP/Archives – Prakash SINGH)
Quasi inconnu du grand public jusqu’à présent, il est passé de 24.000 abonnés à son compte Twitter à 150.000 quelques heures après sa nomination. Jack Dorsey en compte pas loin de 6 millions.
« Je reconnais que certains d’entre vous me connaissent bien, d’autres juste un peu et certains pas du tout », a écrit Parag Agrawal aux 5.500 employés de la société basée à San Francisco, dans une lettre ouverte.
– « Plus de rigueur » –
« J’ai rejoint l’entreprise quand nous étions moins de 1.000 employés », a-t-il continué. « J’ai vu les hauts et les bas, les défis et les obstacles, les victoires et les erreurs. (…) Il n’y a pas de limites à ce que nous pouvons accomplir ensemble. »
Parag Agrawal a joué un rôle majeur dans le développement des technologies d’intelligence artificielle (IA) relatives à l’apprentissage automatisé des logiciels (« machine learning ») pour la plateforme.
Selon l’analyste Carolina Milanesi, ces spécialités font de lui un « choix naturel » car elles « vont devenir de plus en plus essentielles pour rendre la plateforme plus saine, plus attirante pour les utilisateurs et plus rentable pour l’entreprise ».
« On va peut-être aussi voir plus de rigueur et de rationalité dans les méthodes décisionnelles », ajoute-t-elle.
Jack Dorsey, connu pour ses occasionnelles envolées introspectives sur le réseau et son intérêt pour des domaines divers, du bitcoin à la botanique, laisse à son collègue quelque 211 millions d’utilisateurs quotidiens dits « monétisables » (exposés aux publicités).
Le réseau des gazouillis dégage des bénéfices très maigres, comparé aux deux géants de la publicité numérique que sont Google et Meta (Facebook) (AFP/Archives – Kirill KUDRYAVTSEV)
Le réseau des gazouillis dégage des bénéfices très maigres, comparé aux deux géants de la publicité numérique que sont Google et Meta (Facebook). Et dispose donc de bien moins de ressources pour faire face aux enjeux de la modération des contenus et aux pressions de la société civile.
D’où l’intérêt des systèmes d’IA pour concilier la lutte contre la désinformation et contre les comptes extrémistes avec la mise en avant des contenus qui attirent et retiennent l’attention des utilisateurs.
– Nouveau dirigeant indien –
En 2020, dans une interview à la MIT Technology Review, M. Agrawal avait déclaré que l’entreprise devait « moins se concentrer » sur la liberté d’expression.
« La plupart des gens peuvent s’exprimer facilement sur internet. Notre rôle porte surtout sur qui peut être entendu », avait-il argumenté.
En tant qu’ingénieur, Parag Agrawal s’est illustré dans les mécanismes de croissance de l’audience et a dirigé la petite équipe « Bluesky » (« ciel bleu »), chargée en 2019 d’inventer un nouveau protocole informatique qui favoriserait des conversations plus équilibrées, moins énervées.
Il devra à présent se concentrer sur la capacité de Twitter à améliorer sa rentabilité. Et à ne pas devenir un réseau de « vieux ».
« Nommer M. Agrawal comme nouveau directeur général positionne Twitter pour la prochaine ère de l’internet, celle du métavers, en investissant dans des produits et fonctionnalités (…) qui attirent la génération Z loyale à TikTok », a commenté Mike Proulx, le vice-président du cabinet Forrester.
Les observateurs de la tech ont aussi mis en avant la qualité d’immigrant du nouveau patron de la plateforme.
« Google, Microsoft, Adobe, IBM (…) et maintenant Twitter sont dirigés par des directeurs qui ont grandi en Inde. C’est merveilleux de voir le succès des Indiens dans le monde des technologies et un bon rappel des opportunités que l’Amérique offre aux immigrants », a ainsi réagi Patrick Collison, patron du service de paiement Stripe.
Parag Agrawal est en couple avec une professeure de médecine à Stanford. Leur fils Ansh Agrawal, né en 2018, a déjà un compte Twitter — privé.
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