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Le Havre sort gagnant de la pagaille dans le fret maritime

A quai au port du Havre, le 16 novembre, l’impressionnant navire CMA CGM Louvre, un des plus grands porte-conteneurs au monde – 400 mètres de long, 62 de large, capable d’embarquer jusqu’à 24.000 boîtes – est arrivé de Singapour. Il est déchargé d’une partie de sa cargaison par de giga grues qui jouent à Tetris pour empiler ces blocs métalliques à terre. Alors que la réouverture des économies post-Covid, qui a fait exploser la demande de produits manufacturés, a semé la pagaille dans le transport maritime et généré une massive congestion portuaire, le premier port marchand de France tient la cadence. Ici, pas de longues files de navires patientant au large comme à Los Angeles ou à Rotterdam. « Le temps d’attente est de moins de douze heures contre une semaine dans les grands ports d’Europe du Nord », assure Hervé Bonis, directeur d’une société de logistique et président de l’Union maritime et portuaire (Umep) du Havre qui représente 600 entreprises œuvrant dans ce secteur.

Taux d’occupation de 80%

Une prouesse au vu de la hausse brutale du trafic maritime qui, faute de suffisamment de bateaux, de conteneurs et de capacités portuaires, génère des changements de trajet et retards d’escales. « Seuls 10% des navires arrivent en temps et en heure, constate Brice

Vatinel, président du syndicat des transitaires havrais. Cela désorganise la chaîne logistique et on doit sans cesse s’adapter pour éviter la saturation, reprogrammer les trajets routiers pour que les marchandises soient livrées à destination. » Pas facile, à entendre le concert de klaxons donné par les camionneurs pris dans les bouchons sur les 150 kilomètres de route sillonnant l’énorme port. Des 2.000 dockers aux logisticiens et douaniers, une quinzaine d’acteurs différents sont mobilisés sur toute la chaîne. « Les taux d’occupation de nos principaux terminaux dépassent actuellement les 80% contre 60% en temps normal », indique Kris Danaradjou, directeur du développement d’Haropa, le groupe public qui gère le port.

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Tarifs plus chers

La pagaille mondiale est une aubaine pour Le Havre qui peut faire valoir un avantage compétitif face à Rotterdam, Anvers, Hambourg ou Felixstowe (lire page 32) , submergés. « On récupère une partie du trafic, d’autant que nos infrastructures, donnant sur l’eau profonde, nous permettent d’accueillir les géants des mers, détaille Kris Dana-radjou. Cette année, on a déjà pris en charge plus de 90 escales non prévues initialement. » Résultat, le port normand a déjà traité plus de 2,5 millions de conteneurs à fin octobre (+ 9%), un record.

De quoi remettre Le Havre dans la compétition alors que, très bien situé mais aux tarifs plus chers, il s’est fait reléguer par les grands ports d’Europe du Nord (2,77 millions de conteneurs en 2019 contre près de 15 millions pour Rotterdam et 12 millions pour Anvers). Le coût de gestion portuaire devient plus marginal quand le coût total de voyage d’un conteneur depuis le port chinois de Shenzen est passé de 2.000 dollars début 2020 à plus de 15.000 dollars aujourd’hui!

Impulsion d’Edouard Philippe

Pour revenir dans la course, le port normand s’agrandit avec deux nouveaux terminaux qui seront construits d’ici à 2024. Et le site de la centrale thermique à charbon d’EDF, qui a éteint ses cheminées en mai dernier, devrait être récupéré pour stocker des nouveaux conteneurs. L’objectif est d’atteindre les 4 à 5 millions de conteneurs traités par an. Pour aller plus loin, le gouvernement a décidé, sous l’impulsion d’Edouard Philippe, maire du Havre et alors Premier ministre, de fusionner au 1er juin les grands ports du Havre et de Rouen avec celui de Paris, en un « axe Seine » reliant la capitale, le fleuve et la mer. Une première en Europe. « Le but est de reconquérir des parts de marché face aux autres ports européens et aussi d’offrir un lieu privilégié pour de nouvelles implantations industrielles grâce à un système portuaire et logistique intégré », précise-t-on à l’Elysée. De 2020 à 2027, quelque 1,5 milliard d’euros vont être investis par l’Etat pour moderniser l’ensemble. Symbole de cette stratégie, l’usine Siemens-Gamesa construite sur une friche du port, qui fabriquera des pales et nacelles d’éoliennes en mer, notamment destinées aux cinq futurs parcs éoliens français offshore…

Seule entrave aux ambitions du port havrais: la pénurie de main-d’œuvre. En centre-ville, les vitrines des nombreuses agences d’intérim affichent des messages aguicheurs du type « un job en un clic ». « On cherche tous les métiers, comme des manutentionnaires, des préparateurs de commande, des ingénieurs… » , confirme Hervé Bonis, de l’Umep. Pour y remédier, le patronat local s’est investi en créant des formations en apprentissage afin de former des candidats.

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