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“#Jedémissionne” : aux États-Unis, une tendance TikTok à l’image d’un monde de l’emploi post-Covid

Publié le : 19/11/2021 – 10:11Modifié le : 24/11/2021 – 10:48

La “Grande Démission”, c’est le nom qui a été donné à la vague de démissions record qui frappe les États-Unis depuis le printemps dernier. En août, 4,3 millions d’Américains ont quitté leur emploi, un nombre sans précédent, pour un record total de 20 millions depuis le mois d’avril. Des départs que beaucoup racontent sur TikTok.

 

Selon notre Observatrice aux États-Unis, c’est la pandémie de Covid-19 qui a permis de mieux saisir la valeur du travail, la futilité du “métro-boulot-dodo” et de la culture d’entreprise, ainsi que l’importance de trouver un équilibre entre travail et vie privée, après avoir subi des années de salaires qui stagnent malgré l’inflation. 

“Les gens reprennent aujourd’hui le contrôle de leur vie” »

Allison Peck a quitté son emploi de gestionnaire de programme en août, en grande partie parce qu’elle ne voulait pas retourner au bureau après avoir commencé le télétravail pendant la pandémie. Elle a depuis trouvé un nouvel emploi, qui lui permet de travailler à domicile. Une nouvelle vie qu’elle partage via des vidéos sur TikTok.

Avec le Covid, j’ai commencé à télétravailler chez moi, et j’ai découvert que j’adorais ça. Je n’avais plus à perdre mon temps dans les transports pour aller au travail et je pouvais prendre le temps d’aller à la salle de sport le matin et de faire des rendez-vous médicaux en pleine journée si j’en avais besoin. Donc quand mon travail  m’a demandé de revenir sur place , j’ai réalisé que je ne voulais pas retourner au bureau. J’ai donc trouvé un travail qui me permettait de télétravailler, bien plus adapté à mes nouveaux besoins.

Lorsqu’on a tous été condamnés à travailler depuis chez nous en quarantaine, au début de la pandémie, beaucoup de gens ont perdu leur travail parce que la production s’est effondrée. Mais à présent, tout reprend de plus belle. Les gens se remettent à travailler, mais ils ne reprennent pas le même travail qu’avant la crise. Certaines personnes qui ont travaillé pendant des décennies pour la même entreprise ont vraiment été maltraitées ou même licenciées pendant la pandémie. Ces personnes-là reprennent aujourd’hui le contrôle de leur vie. Leur relation au travail est en train de changer.

Je pense que beaucoup de gens ont pris conscience, avec la pandémie, que la vie est courte et précieuse. Ils veulent donc maintenant mettre la priorité sur leur vie plutôt que sur leur travail. Je vois beaucoup de gens faire des vidéos sur TikTok qui insistent sur l’importance de comprendre sa propre valeur dans ce processus de recherche d’emploi, et de ne pas accepter le premier emploi venu.

Les grosses entreprises vont prochainement devoir proposer des salaires très compétitifs pour conserver leurs employés. L’entreprise pour laquelle je travaille actuellement propose des congés payés illimités. Je n’ai jamais vu cela avant, et j’adore ! Ils me donnent même des tickets restaurants toutes les semaines. Les entreprises doivent désormais faire preuve d’imagination dans les avantages qu’ils proposent, car le salaire seul ne suffit plus.

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“Ces départs pourraient avoir un effet durable”

Cette situation n’a rien de surprenant pour Anthony Klotz, un professeur de management à l’université A&M au Texas. Il avait annoncé l’arrivée de la “Grande Démission” en mai, lors d’une interview accordée à Bloomberg, au sujet d’un possible pic dans les rotations d’emploi. La rédaction des Observateurs de France 24 l’a interrogé au sujet des conséquences à long terme d’un tel phénomène.

“Il y a eu une accumulation de démissions, entre ceux qui conservaient un poste qu’ils auraient quitté sans le Covid, ceux qui ont expérimenté des niveaux accrus d’épuisement professionnel, ceux qui ont eu des ‘épiphanies pandémiques’ conduisant à des changements de style de vie, et enfin ceux qui ne veulent tout simplement pas retourner dans un environnement de bureau.

Pendant la pandémie, presque tout le monde était enfermé et regardait beaucoup les informations – la mort était partout. On sait que lorsque les gens sont entourés par la mort et la maladie, ils ont tendance à avoir des questionnements existentiels, du type : “est-ce que je suis en train de vivre au meilleur de ma vie ?” Beaucoup ont découvert que non, qu’ils passaient de 40 à 100 heures par semaine à faire quelque chose qu’ils n’aimaient pas. Cette énorme révélation collective a changé la façon dont ils envisageaient la place du travail et a provoqué des changements radicaux dans leur vie.

Je pense que ces départs pourraient vraiment avoir un effet durable. Avant la pandémie, pour la plupart des Américains, le travail était essentiel et central dans leur identité, dans ce qu’ils sont en tant que personnes. Et je crois que cette place a diminué, a fait un pas de côté, au profit des choses comme la famille, les loisirs, les voyages ou tout chose importante pour eux.

Anthony Klotz estime que ce nouveau sentiment de contrôle des employés sur leur propre vie a été principalement alimenté par les réseaux sociaux, qui ont permis aux gens de réaliser qu’ils n’étaient pas seuls. Il a toutefois mise en garde sur un possible revers de la médaille : 

Les réseaux sociaux ont donné aux gens l’impression que tout le monde démissionne, mais il ne faut pas oublier que, même si on atteint un nombre record, cela concerne une minorité de travailleurs. Les réseaux sociaux ont également normalisé la démission et l’ont transformée en quelque chose d’ordinaire, alors que c’est une décision majeure. 

La “Grande Démission” s’est également fait ressentir dans de nombreux pays européens, notamment en Allemagne, où 6 % des travailleurs ont quitté leur travail pour des raisons liées au Covid, selon une récente étude de la société de RH SD Worx . Selon la même étude, cela concerne 4,7 % des Britanniques et 2,3 % des Français. 

Néanmoins, c’est un tableau plus sombre qui se dessine dans les pays en développement, où de nombreuses personnes ont perdu leur travail à cause de la pandémie. En Amérique latine et dans les Caraïbes, par exemple, 26 millions de personnes ont perdu leur travail l’année dernière, pendant le quasi-arrêt de l’économie lié au Covid,  selon une étude du Bureau international du travail

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