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Agression d’une femme trans au Cameroun : “Elles sont victimes de violences tout le temps”

Publié le : 25/11/2021 – 18:33

Une femme transgenre a été violentée et humiliée mi-novembre à Yaoundé, au Cameroun, comme le montrent des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Des membres de la communauté LGBT locale indiquent qu’ils sont régulièrement victimes d’agressions et de discriminations, et que les personnes transgenres sont les plus touchées parmi eux. 

Le 19 novembre, un habitant de Yaoundé, la capitale camerounaise, a contacté notre rédaction sur WhatsApp, au sujet de l’agression d’une personne transgenre dans sa ville, quelques jours plus tôt. Les transgenres sont des personnes « dont l’expression de genre et/ou l’identité de genre s’écarte des attentes traditionnelles reposant sur le sexe assigné à la naissance », selon une définition d’Amnesty International.

Capture d’écran du message envoyé à notre rédaction. © Les Observateurs de France 24.

Il existe plusieurs vidéos de cette agression, mais notre rédaction a décidé de n’en publier que des captures d’écran, en raison de leur caractère choquant. 

L’une d’elles, qui dure un peu plus de deux minutes quarante, a été tournée dans une pièce, en présence de plusieurs hommes. Au début, l’un d’eux, en chemise bleue, semble bloquer la femme transgenre au sol. On entend : « Attends de voir ce qui va t’arriver ! » Ils lui tirent ensuite les cheveux, sa brassière, et la frappent à plusieurs reprises, tandis qu’elle crie. Les hommes la forcent aussi à se mettre debout, pour la prendre en photo, nue, en maintenant ses cheveux en arrière. Vers la fin, ils lui hurlent « d’écarter [son] anus » et la tapent sur les fesses.

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Dans une autre vidéo, d’une durée similaire, l’homme en chemise bleue tire la femme trans par les cheveux dans la rue, au milieu de plusieurs personnes. Un autre la frappe avec un bâton. L’homme à la chemise bleue lui tape ensuite sur la tête, à plusieurs reprises. La femme trans crie, l’air terrorisé. Plusieurs personnes lui répètent « ouvrez les pieds », « écartez les jambes » et lui demandent de « montrer [sa] face ». Quelqu’un lui tire les cheveux. À la fin, plusieurs personnes lui attrapent les pieds et les poignets pour voir son corps, et notamment ses parties intimes. 

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« Les personnes trans subissent encore plus de violences que le reste de la communauté LGBT »

Parice, qui se définit comme transgenre non binaire, est directeur des programmes au sein de l’association Positive Vision, qui défend les droits des personnes trans au Cameroun. 

Je connais Bijou, la femme trans qui a été violentée, car c’est l’une des bénéficiaires de notre association. Après son agression, elle a été mise en sécurité dans un refuge situé en banlieue de Yaoundé, géré par l’association CAMFAIDS [qui lutte contre le VIH notamment, NDLR]. Donc nous avons des nouvelles d’elle à travers cette association.

Ce que nous savons, c’est que Bijou était avec un homme le jour où elle a été agressée. Ils avaient pris des verres ensemble, et elle ne l’avait pas prévenu qu’elle était trans. Il l’a découvert ensuite, au moment d’avoir des rapports sexuels. Il a alors prévenu les voisins et Bijou a été traînée dehors. À la suite de cela, deux hommes l’ont emmenée au commissariat. Heureusement, elle a été libérée quelques heures plus tard, le temps que ça se calme, car il y avait du monde autour du commissariat.

Les personnes trans sont victimes de violences psychologiques ou physiques tout le temps : railleries, mimiques, bastonnades… Personnellement, je recense sept à dix cas par semaine en ce moment. 

Les personnes trans subissent encore plus de violences que le reste de la communauté LGBT. Je pense que c’est parce qu’elles s’expriment davantage que les homosexuels, à travers leurs tenues, le fait de moins se cacher, les gens remarquent parfois leur barbe…  Il n’y a pas encore de tolérance. 

De plus, les personnes trans sont discriminées en permanence dans la société. Concernant l’accès aux services de santé, des hôpitaux refusent de les prendre en charge par exemple. En ce qui concerne le travail, c’est la catastrophe : c’est pour cela que la majorité d’entre elles s’adonnent au travail sexuel.

« Nous avons constaté une augmentation des violences dernièrement »

Claude Asanji est coordinateur adjoint de l’unité Droits humains et plaidoyer au sein de l’association Humanity First Cameroon Plus, qui défend les LGBT notamment. Lui aussi estime que les personnes trans sont les plus touchées par les violences au sein de la communauté LGBT, en raison de leur apparence physique. 

Rien qu’entre septembre et novembre, j’ai recensé environ 100 cas de violences commises contre des trans. Nous avons constaté une augmentation des violences dernièrement, depuis qu’il y a eu les confinements liés au Covid-19, sûrement car les gens sont restés chez eux, les yeux braqués sur leurs voisins. 

Lorsque des vidéos d’agression sont diffusées sur les réseaux sociaux, l’immense majorité des gens ne dénoncent pas la violence : au contraire, ils ont un discours d’incitation à la haine, contre les LGBT. 

D’une manière générale, je pense que les violences contre la communauté LGBT sont essentiellement liées aux lois discriminatoires du Cameroun, à commencer par l’article 347-1 du Code pénal.

Jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour les homosexuels

Cet article du Code pénal camerounais, intitulé « Homosexualité », indique : « Est puni d’un emprisonnement de six à cinq ans et d’une amende de 20 000 à 200 000 francs [soit 30 à 205 euros, NDLR], toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe. » 

Claude Asanji poursuit : 

Si ces lois n’existaient pas, en cas de violences, nous pourrions saisir la justice ou aller voir la police. Mais actuellement, ce n’est pas possible. Si on va voir la police, on peut même se faire violenter ou se voir réclamer de l’argent. Par exemple, je connais un homosexuel qui a été amené à la police récemment, où il a dû payer 150 000 francs [soit 229 euros, NDLR] pour être libéré. Et à chaque fois que ces policiers auront besoin d’argent à l’avenir, ils n’auront plus qu’à le rappeler pour lui en réclamer, faute de quoi ils l’embêteront.

Source

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