Ils exigent le règlement des litiges de pêche post-Brexit avec Londres. Les pêcheurs français ont entamé, vendredi 26 novembre à la mi-journée, le blocage du trafic des car-ferries à Calais, nouvelle étape, après Saint-Malo, d’une journée de protestation qui doit aussi perturber le trafic du tunnel sous la Manche.
A Calais, six navires de pêche venus de Boulogne-sur-Mer se sont déployés peu après 12 heures pour bloquer le port, une opération prévue pour durer une heure et demie. « We want our licences back » pouvait-on lire sur une banderole déployée sur un chalutier.
Il s’agit de « mettre la pression sur le gouvernement britannique », a souligné avant d’embarquer le président du comité des pêches des Hauts-de-France, Olivier Leprêtre. Il a notamment dénoncé la « surexploitation dans les eaux françaises », engendrée, selon lui, par l’attitude britannique, chiffrant à 35 les licences de pêche non délivrées dans les Hauts-de-France.
Pour le président du port, Jean-Marc Puissesseau, cette action symbolique ne devrait pas avoir un impact trop important. Les pêcheurs se sont engagés à « ne pas attenter au chiffre d’affaires des uns et des autres », a-t-il souligné, précisant qu’il n’y aurait pas de plainte.
A Saint-Malo, le blocage avait duré environ une heure, de 8 heures à 9 heures, une dizaine de bateaux de pêche participant à l’opération, actionnant des fumigènes. En raison du mauvais temps, il n’y avait pas de ferry, mais les navires français ont bloqué un bateau de pêche venant de Jersey, dans une atmosphère bon enfant.
« Quand l’Europe et le gouvernement ne mettent pas des menaces à exécution, au bout d’un moment on est obligé de reprendre la main, parce qu’autrement on a l’impression qu’on n’arrivera à rien. On n’est pas des va-t-en-guerre, on veut qu’on respecte nos droits, un deal a été fait, le deal anglais n’est pas respecté », a déclaré Pascal Leclerc, président du comité des pêches en Ille-et-Vilaine.
Des bateaux doivent aussi bloquer l’entrée de ferries venant de Grande-Bretagne dans le port de Ouistreham, en début d’après-midi. En parallèle, à bord de camionnettes, les marins-pêcheurs ont prévu de bloquer, de 14 heures à 16 heures, l’accès des camions de marchandises au terminal fret du tunnel sous la Manche.
« Nous ne voulons pas l’aumône, nous voulons seulement récupérer nos licences. Le Royaume-Uni doit respecter l’accord post-Brexit. Trop de pêcheurs sont encore sur le carreau », a insisté jeudi Gérard Romiti, le président du Comité national des pêches, lors d’une conférence de presse.
Symbolique à l’entrée des ports, l’initiative est plus menaçante aux abords du tunnel, par lequel transitent 25 % des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe. Londres a bien reçu le message et a réagi dès jeudi soir, se disant « déçu » par ces « menaces de protestation » et enjoignant la France à « s’assurer que des actes illégaux ne sont pas commis et que les échanges commerciaux ne sont pas affectés ».
« L’arbre qui cache la forêt »
Pour le président du Comité national, « cette question des licences est l’arbre qui cache la forêt : de sa résolution dépendront les relations avec le Royaume-Uni sur le long terme ». Tout en questionnant la robustesse de l’engagement européen aux côtés des pêcheurs de l’UE, Gérard Romiti a salué « l’ultimatum » lancé mercredi par la Commission européenne, qui a demandé à Londres de régler ce contentieux d’ici au 10 décembre.
En vertu de l’accord de Brexit signé à la fin de 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Au total, depuis le 1er janvier 2021, la France a obtenu « plus de 960 licences » de pêche dans les eaux britanniques et des îles anglo-normandes, mais Paris réclame encore plus de 150 autorisations.
Dans ce dossier brûlant, le ton est monté à plusieurs reprises. En mai dernier, une flottille française a fait cap sur Jersey pour un blocus de quelques heures. A l’automne, Paris a menacé Londres de « mesures de rétorsion », avant d’y renoncer provisoirement pour laisser une chance aux négociations engagées à Bruxelles.
Les pêcheurs français se sentent aujourd’hui confortés par le soutien renouvelé dimanche dernier du président Emmanuel Macron, qui a assuré qu’il se battrait jusqu’au bout pour défendre leurs intérêts.
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