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Paris 2024 ouvre la piste aux nouveaux JO

lâchés par certaines marques sponsors locales, ils laissent une facture salée alors que ses coûts, à 16 milliards de dollars, ont plus que doublé. Les Jeux d’hiver, qui ouvriront à Pékin le 4 février, s’augurent tout aussi lugubres. Pas de supporters étrangers, des sportifs confinés sans accès aux réseaux sociaux dans une Chine verrouillée. Dans la capitale, les cérémonies d’ouverture et de clôture risquent d’être transformées en parades à la gloire de Xi Jinping. A l’étranger, les retransmissions risquent d’être perturbées par les appels au boycott contre la répression du régime au Xinjiang et à Hong-kong.

Voilà une bien mauvaise publicité pour le Comité international olympique (CIO), déjà confronté, avant les avanies du Covid, à une désaffection des villes hôtes. « Les dirigeants et populations ont compris combien les JO pouvaient être un cadeau empoisonné, analyse Wladimir Andreff, économiste du sport. C’est souvent ruineux, car les enchères entre villes conduisent à sous-estimer les budgets, ensuite dépassés d’en moyenne 170%. Et pour une ville comme Barcelone, en 1992, qui a pu aménager un nouveau quartier pour ses habitants, bien d’autres, telle Athènes en 2004, ont gaspillé leur argent dans des “éléphants blancs”, équipements laissés à l’abandon. Sans compter le désastre écologique. » Une « malédiction du vainqueur » qui a fini par ne laisser en lice que des régimes autoritaires. Au point que le CIO a dû changer de tactique, retenant très en amont une candidature sans plus d’enchères, avec pour critères de disposer d’un maximum de sites existants et d’une opinion publique favorable. Brisbane a ainsi déjà été retenue pour 2032, après Los Angeles en 2028.

Mais d’ici là, Thomas Bach, président du CIO, compte sur Paris pour propulser les Anneaux dans les « premiers Jeux d’une ère nouvelle en matière de sérieux financier, de durabilité, d’inclusion et d’héritage. » Sans oublier d’être une « célébration ». Enjeu colossal, donc, pour Tony Estanguet, le patron du Comité d’organisation des jeux Olympiques (Cojo) Paris 2024. Pas de quoi effrayer le triple médaillé d’or de canoë, qui, derrière son sourire de gendre idéal, s’avère être un redoutable chef d’orchestre de ce chantier ultra-complexe, qu’il doit gérer notamment avec trois candidats à la présidentielle de bords opposés – Emmanuel Macron, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse. « Nous allons réussir des Jeux spectaculaires, populaires, utiles, sobres », martèle-t-il.

Atouts de départ, les organisateurs disposent d’une « formidable carte postale », avec des épreuves dans des sites iconiques, sur l’esplanade des Invalides, au pied de la tour Eiffel, au Grand Palais, sur la place de la Concorde, au château de Versailles (voir carte ci-contre); et 95% des installations existent déjà ou seront démontables, ce qui aide à garantir des Jeux plus économes et propres. Mais au-delà, Estanguet entend « casser les codes » avec des « expériences fortes, créatives, pour magnifier les performances des sportifs et faire participer les gens. » Revue des trois défis pour se hisser à la hauteur de la promesse.

Tenir le budget

C’est l’obsession de Paris 2024 et du CIO, tant les gabegies ont terni la réputation des Jeux. Le budget total s’élève à 7,3 milliards contre 6,5 milliards initialement prévus, sachant que, selon une étude du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de l’université de Limoges, leurs retombées économiques devraient dépasser 8 milliards. Il faut distinguer l’enveloppe de 3,9 milliards du Comité d’organisation des jeux Olympiques (Cojo), qui s’occupe de l’évènement (cérémonies, accueil des athlètes, sites provisoires…), financé par des fonds privés, de celle, de 3,4 milliards, de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), qui construit et rénove les sites (gymnases, piscines, village olympique…), financée à moitié par les deniers publics et à moitié par des promoteurs.

Pour le Cojo, le pari est de faire rentrer les recettes: outre les apports du CIO et de la billetterie, il lui faut engranger 1,1 milliard auprès d’entreprises sponsors. La chasse est laborieuse: quatre contrats premium (à plus de 100 millions) ont été conclus avec BPCE, EDF, Orange et Sanofi. Le Cojo doit en attirer trois autres, le reste provenant de partenaires de seconde catégorie (six ont signé). « Le psychodrame avec Total, récusé vertement par Anne Hidalgo, ne facilite pas la tâche », fulmine un prospecteur en coulisses. Michaël Aloïso, directeur de cabinet de Tony Estanguet, se veut rassurant: « Nous tiendrons notre objectif d’arriver aux deux tiers de la somme d’ici à la fin de l’année. »

Du côté de Solideo, il s’agit d’éviter les dérapages de dépenses. Suite à deux alertes émises par la Cour des comptes, le projet a été revu en décembre 2020. Exit les réaménagements du Zénith et du stade Jean-Bouin à Paris, la piscine olympique temporaire à Saint-Denis et le stade éphémère de volley à Dugny; et le handball a été déménagé à Lille. Au menu de cette structure opérationnelle, trois méga chantiers: le village olympique (à Saint-Denis, 14.500 lits), le village des médias (à Dugny,1.500 lits) et le centre aquatique de Saint-Denis. Aujourd’hui, Isabelle Vallentin, directrice adjointe de Solideo, se dit confiante: « Sauf catastrophe, on va tenir les délais et le budget, indique-t-elle. De plus, nous avons adopté des méthodes permettant de réduire de moitié l’empreinte carbone par rapport à des chantiers classiques. Et nous avons fait attention à employer deux-tiers de PME et au moins 10% de main d’œuvre en insertion. »

Développer la Seine-Saint-Denis

C’était l’engagement phare de la candidature de Paris que de profiter de l’évènement pour équiper et embellir la banlieue la plus pauvre de France. Certes, la révision de la carte des sites pour rester dans les clous budgétaires, puis l’annonce que le tronçon des futurs métros 16 et 17 du Grand Paris Express – qui devait relier la nouvelle gare Saint-Denis-Pleyel au Bourget – ne sera pas livré à temps, ont impacté le projet. Mais le Cojo a compensé. La salle de volley a été avantageusement remplacée par un mur d’escalade qui restera. Et le département gagnera cinq nouvelles piscines.

Le « 9-3 » a raflé 78% de l’investissement public dans les infrastructures. Les villages des athlètes, à cheval sur Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis, et des médias, à Dugny-Le Bourget, seront reconvertis en quartiers neufs, avec 3.500 logements, des bureaux, commerces, écoles. Les JO jouent aussi les accélérateurs pour l’enfouissement des lignes à haute tension, la réfection de voiries, les passerelles au-dessus de l’autoroute, les murs anti-bruit. Stéphane Troussel, le président (PS) du conseil départemental se réjouit: « Il restera un héritage tangible qui profitera aux habitants et donnera de l’attractivité à nos territoires. » Son combat maintenant est de « trouver des crédits pour la formation de la population » afin de profiter des 150.000 emplois qui, selon l’étude du CDES, devraient être générés par l’olympiade.

Obtenir le soutien populaire

Selon le dernier sondage Ifop réalisé par Paris 2024 mi-août, 82% des Français se disent favorables à l’organisation des JO à Paris, 92% chez les 18-24 ans. Cependant, on ne sent pas encore l’effervescence. « L’engouement vient avec les médailles, et sur ce plan, il n’y a pas de quoi s’enflammer », avertit Wladimir Andreff, qui a conçu un modèle mathématiques « fiable à 95% », prédisant une quarantaine de médailles tricolores pour 2024. Bien loin des attentes du chef de l’Etat, qui vise d’intégrer le Top-5 du classement (se situant, à Tokyo, à 70 médailles dont 20 en or)… mais bien mieux que les 33 médailles rapportées par les Bleus de Tokyo (contre 42 en 2016 à Rio). Ce défi-là relève de Claude Onesta, ex-entraîneur des « Experts » du handball, qui avaient collectionné les victoires, patron de la haute performance sportive.

« Pour autant, les belles audiences de France Télévisions, avec 50 millions de téléspectateurs pour Tokyo contre 44 millions pour Rio, montrent un appétit fort », relativise Michaël Aloïso. Et le Cojo s’emploie à faire monter l’envie: au travers de Terres de Jeux, qui rassemble 2.000 fédérations, clubs sportifs et collectivités locales dans l’Hexagone; via le Club Paris 2024, qui compte 250.000 fans (inscription gratuite) à qui il est proposé de jouer au basket avec Tony Parker ou de porter la flamme sur son parcours; ou encore avec la Semaine olympique, organisée fin janvier, qui impliquera toutes les écoles.

Et pour que Paris soit une fête, l’équipe d’Estanguet a imaginé des temps forts populaires. Comme la cérémonie d’ouverture le long de la Seine, sur laquelle les délégations défileront sur des bateaux (un cauchemar sécuritaire). Et des fan zones partout en France avec, outre des écrans géants, des animations sportives, des espaces d’initiation. Et encore des épreuves ouvertes au grand public, comme le « marathon pour tous », qui offrira des dizaines de milliers de dossards aux coureuses et coureurs amateurs, même les moins aguerris, et l’épreuve de cyclisme sur route paralympique. De quoi satisfaire le CIO, qui a adopté en juin une nouvelle devise, rajoutant derrière le traditionnel « Plus haut, plus vite, plus fort » le mot « ensemble ».

 

 

719_Monde_carte_J0_2024 (Cécile Rynkiewicz)

 

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